CÉLÉBRATION DE 3 JUBILÉS, 4 novembre 2023
4 novembre 2023
- Monseigneur Hubert BARBIER, archevêque émérite de Bourges
+
Jubilés – 4 novembre 2023 – Monseigneur Hubert Barbier
Introduction par Sœur Geneviève Médevielle : Aujourd’hui toute l’Église fête la Saint Charles Borromée, ce pasteur de la Contre-réforme qui une fois converti au Christ, s’est donné sans compter au service de l’Église et des pauvres jusqu’à l’épuisement. Il disait à ceux qui lui prêchaient le repos : « Pour éclairer, la chandelle doit se consumer. » Mais à la joie de célébrer ce grand saint – et notre Frère Charles, par la même occasion – ce grand saint qui était un véritable héros de l’humilité, nous ajoutons ce matin à la Cotellerie, une fête de la famille spirituelle de Mère Marie de la Croix, celle du jubilé de diamant de Sœur Marie de Béthanie chez les Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur et des jubilés d’or de Frère Jean-Marie et de Frère Jean-François chez les Petits Frères de Marie Mère du Rédempteur.
Oui, si nous pouvons chanter « Jubilez, criez de joie », c’est que cette fête nous porte à revenir au fondement de nos vies à la suite du Christ et à goûter la saveur évangélique de cet acte de mémoire qui n’a rien de triomphaliste. C’est humblement, très humblement, que chacun reçoit la grâce du don de Dieu, cette petite graine de vie et de liberté, tombée par surprise, un jour en son cœur.
« Souviens-toi », c’est le mot qui revient sans cesse dans la Bible. « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite dans le désert ! » nous redit le Deutéronome. C’est la raison de cette célébration d’aujourd’hui dans l’humilité des épreuves rencontrées comme ce le fut pour le Peuple de Dieu conduit au désert pendant 40 ans pour apprendre à aimer.
Car en fêtant les jubilés de notre sœur et de nos deux frères, c’est 60 ans et 50 ans de longues traversées personnelles et communautaires que nous célébrons. On ne vit pas cinquante années ou soixante années de vie religieuse sans traverser l’épreuve de l’émondage par rapport à tous nos rêves et imaginaires trompeurs de l’Amour. On le devine, il a fallu, pour chacun et chacune, passer par ce consentement à vivre d’un amour humble, réel et souvent blessé par rapport à l’idéal trop souvent immature de nos dix-sept ans, dix-huit ans ou vingt ans. Il a fallu se laisser surprendre par l’épreuve des résistances, des autres, mais aussi des nôtres, qui surviennent et surprennent, entrer dans la durée qui use nos impatiences, se laisser conduire vers le silence intérieur et recueillir au jour le jour la grâce du « peu qui suffit », comme le Peuple dans le désert, recevant cailles, manne et eau.
Ces jubilés se fêtent en Église et nous sommes heureux d’accueillir, pour présider cette eucharistie, Mgr Hubert Barbier, Archevêque émérite de Bourges, grand ami de Mgr Louis-Marie Billé qui a reconnu nos deux congrégations il y a 50 ans. C’est lui qui recevra le renouvellement des vœux de nos frères, car Frère Jean-François, Prieur, ne pouvait pas recevoir ses propres vœux !
Introduction de Monseigneur Hubert Barbier : Frères et sœurs, je suis heureux en effet de présider cette célébration. C’est le Christ lui-même qui, dans cette célébration, nous entrainera, pour le vivre dans la joie, mais aussi avec un cœur purifié et des lèvres purifiées. Reconnaissons, dans un premier temps, à la fois la tendresse et la miséricorde du Seigneur et notre péché.
Lectures (de la mémoire de saint Charles) : Rm 12, 3-13 ; Ps 88… ; Jn 10, 11-16.
Homélie de Monseigneur Hubert Barbier, archevêque émérite de Bourges : « Ton amour, Seigneur, sans fin je le chante. » Quand je vois, ma sœur Marie de Béthanie, mes frères Jean-François et Jean-Marie, à travers vos témoignages, reçus directement ou indirectement, la place de celle-ci dans vos vocations, je regrette plus que jamais de ne pas avoir connu Mère Marie de la Croix.
« A la première rencontre », dit l’un de vous, « à la fois, j’ai été déçu par cette petite bonne femme toute simple et cependant, sûr que c’est là qu’il me faut être… » Un autre : « Rencontrée par politesse après 2 refus de la rencontrer, en présence d’elle, en un peu plus de 10mn, quasiment sans parler, à ce moment précis, ce fut une force intérieure irrésistible, d’un appel à se donner dans cette œuvre embryonnaire. » Et puis, la troisième raconte : « Elle me demande ce que je désirais. Je lui dis que je suis en recherche d’une communauté mariale, orientée spécialement vers la réparation pour le sacerdoce. Elle me dit : c’est ce que nous sommes. Je ne suis pas allée voir ailleurs. »
Il ne s’agit pas, ce disant, d’ouvrir le procès de béatification de Mère Marie de la Croix – je n’en ai pas d’ailleurs le pouvoir – mais de rendre grâce tout d’abord, ici, avec vous, pour votre appel par le Seigneur à travers ces rencontres de son humble servante… Nous rendons grâce. Pas banales en effet ces rencontres !
Ceci dit, quel rapport entre ‘votre action de grâces et votre renouvellement de vœux’, et, ce que maintenant nous venons d’entendre de la Parole de Dieu, reçue en Église, en la fête de St Charles Borromée ? Parole que vous avez décidé de retenir pour votre célébration.
Alors, il ne me suffira pas, je crois, de dire ici, à la suite de Sœur Geneviève, que j’ai un attachement particulier à Charles Borromée, père conciliaire du concile de Trente, pasteur remarquable de Milan dans l’après-concile, inspirateur de nombreux pasteurs reconnus et tout spécialement de l’un qui me tient à cœur, St François de Sales…
Reprenons le texte de St Paul. « N’ayez pas de prétentions déraisonnables, soyez assez raisonnables pour ne pas être prétentieux. Dans le Christ nous formons (en effet) un seul corps, avec des dons différents reçus ‘par grâce de Dieu’ ; soyez (donc) unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres, ne brisez pas l’élan de votre générosité. » Dans un autre texte Paul dit aussi : « Ayez assez d’humilité pour considérer les autres comme supérieurs à vous-mêmes, ayez les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. » Ou encore, il dit : « Revêtez-vous de tendresse, de compassion, de bienveillance, douceur, patience, portez-vous les uns les autres. »
Alors, dans ce texte de St Paul, frères et sœurs, je crois entendre la spiritualité à la base de vos styles de vie et de vos témoignages. Spiritualité évangélique fondamentale (humilité et charité, humilité et amour), vécue par Jésus et ses disciples, et transmise par ces derniers. Spiritualité à la base de la restauration, la ‘réparation’ du monde, de sa mise en vérité, dans toutes ses fibres, dans sa mise en vérité avec le Dieu de Jésus Christ, avec l’homme véritable : enfant de Dieu ; mise en vérité avec l’humanité véritable : communion de vie à l’image de la vie trinitaire. Spiritualité vécue en premier par Marie, en communion pleine avec l’œuvre de Rédemption de son Fils pour que le monde soit aimé, relevé, qu’il ait la vie et qu’il l’ait en abondance.
Voilà donc, je crois entendre dans ces textes de St Paul que vous avez retenus, la spiritualité à la base de vos styles de vie et témoignage, spiritualité évangélique fondamentale. Mais je crois entendre par ailleurs, en ces textes de St Paul, ce que Mère Marie de la Croix écrivait déjà de vous et pour vous en 1949, au Père Olphe-Gaillard, mais pour être transmis au Cardinal Saliège, concernant l’œuvre naissante.
Alors, je la cite à son tour : « Cette œuvre, écrivait-elle, est selon l’esprit de l’Évangile : les membres se donneront avant tout et avec amour à la vie de « réparation ». Ils s’adonneront à des occupations en rapport avec leurs capacités (humilité et amour, en rapport avec leurs capacités) : ambiance religieuse et union fraternelle, un seul cœur, une seule charité dans la vraie paix du Christ, compréhension toujours plus grande dans le contact des âmes et des membres de la communauté, soins compatissants et pieuses sollicitudes doivent régner parmi tous les hommes. »
Bien sûr, cette vie religieuse (évangélique) Mère Marie de la Croix la voyait, la voulait, au service de l’œuvre eucharistique de Jésus, la voyait, la voulait en particulière communion avec l’abandon de Marie lors de la Présentation de Jésus au Temple et au pied de la Croix… Ecce, Fiat, Magnificat de Marie, au service de l’œuvre eucharistique de Jésus, œuvre réparatrice. Ceci en soutien de l’Église et tout spécialement de ses ministres. Ainsi, vos communautés comme telles seraient – c’est moi qui l’ajoute – des semences inspiratrices en ce monde. Non pas chargées de l’organisation de ce monde, mais chargées de son inspiration, en paroles, plutôt en silence et en actes, comme l’a manifesté le Pape François à Marseille.
Ainsi donc, le texte de Paul nous remet, me semble-t-il, ce matin devant les fondamentaux de vos communautés et de vos vies. Pour moi, il me donne l’occasion de dire que c’est ce que j’ai perçu et perçois de vos communautés, et de celle des Messagers. Je le vois, en effet, c’est par cette vie évangélique que vous voulez vivre et servir… Alors oui, je rends grâce. Je rends grâce avec vous et vos communautés, et avec l’Église tout entière, de ce que vous avez vécu de cela depuis 60 ans ou 50 ans – non sans épreuves certes – pour enfanter un monde nouveau, en commun avec vos frères et sœurs participants de votre vie et de vos engagements. Je vous dis donc la reconnaissance de l’Église et vous encourage à renouveler cet engagement.
J’en viens au texte évangélique de ce jour : Jésus le Bon Pasteur… Texte qui, lu en la fête de Charles Borromée, voudrait peut-être nous amener à rendre grâce pour le don fait, en Charles Borromée, d’un pasteur à la manière du Bon Pasteur. Mais cette déclaration solennelle de Jésus en ce moment et en ce lieu, chantée par ailleurs par le psalmiste, nous redit opportunément, 2 choses. D’une part, que c’est Lui le Pasteur, le Sauveur, qui nous a choisis, nous fait des dons, nous associe, comme communauté de disciples. Et deuxièmement, qu’Il est fidèle, « digne de foi », comme dit l’épitre aux Hébreux, et qu’en Lui, par Lui, pour Lui, tout est possible, sera possible et possible encore. Oui, il vous est bon de renouveler votre engagement dans les mains d’un tel Pasteur.
Je termine. Lors de l’Angélus du 4 août 2019, le Pape François concluait cet Angélus en disant : « Que la Vierge Marie nous aide à être chaque jour des témoins crédibles des valeurs éternelles de l’Évangile. » Des témoins crédibles des valeurs éternelles de l’Évangile. J’ai envie de dire : Qu’il en soit ainsi pour vous, et pour nous tous avec vous et grâce à vous !
Par ailleurs, les 3 derniers bulletins de l’Amicale des Petits frères de Marie avaient pour titre – coïncidence ? – : Gratitude (c’est-à-dire action de grâce), Fidélité, Corps et Âme. Une indication peut-être encore pour le chemin.