Présentation de la Vierge Marie
22 novembre 2020
- Monseigneur Thierry Scherrer
Introduction du Père Prieur (Frère Jean-François) :
Monseigneur, soyez vivement remercié de présider la célébration eucharistique à l’occasion du jubilé des frères Pierre, Bruno-Marie, Jean-Michel et Claude, en la fête de la Présentation de Marie au Temple, vous nous témoignez votre sollicitude, votre amitié et votre confiance.
Chers familles, amis, Petites Sœurs de Marie et Messagers de Marie Mère du Rédempteur qui êtes en communion par les réseaux sociaux, nous vous redisons notre gratitude pour l’attachement que vous portez à l’Œuvre et votre proximité par la pensée et le soutien de votre prière.
« Dieu puissant, de qui vient tout don parfait ». Le don parfait de l’amour de Dieu en son Fils Jésus est bien la source de l’action de grâce à laquelle nous sommes conviés, en cette fête de la Présentation de Marie au Temple.
Action de grâce, bien sûr, pour notre synode diocésain, et prochainement le 150ème anniversaire de l’apparition de Marie à Pontmain, le 17 janvier 2021. Action de grâce parce que précisément, nous sommes dans l’année jubilaire des cinquante ans de fondation de notre Institut, jubilé inauguré le 8 septembre par une neuvaine, il s’achèvera le 8 décembre 2021. Action de grâce, aujourd’hui particulièrement, après une semaine de retraite spirituelle, nous fêtons les Jubilés d’or de nos frères : Pierre, Bruno-Marie, Jean-Michel et Claude, que nous entourons de notre reconnaissance, de notre affection et de notre prière. Ils sont les pierres de fondation de notre Congrégation au service et dans la fidélité à l’Église.
En prenant la parole pour commémorer cet événement, je ne suis que le porte-voix de leur action de grâce. En 1970, comme beaucoup de jeunes, ils étaient en recherche de sens à donner à leur vie. Attirés par le rayonnement de Mère Marie de la Croix et encouragés par le témoignage de personnes amies, ils sont venus à Saint-Aignan-sur-Roë, berceau de l’Œuvre. Là, ils ont eu l’impression « d’arriver à la maison », selon l’expression d’une personne. Ils ont compris que c’était dans cette Œuvre que le Seigneur et sa Mère les invitaient à prendre et à poursuivre le chemin. Depuis 50 ans à présent, ils servent le Seigneur dans l’esprit marial du don de soi, selon la devise de l’œuvre : « Ecce, Fiat, Magnificat ».
Les débuts de l’œuvre ont été façonnés et habités par la simplicité, la joie, le sens de l’accueil et de l’hospitalité. Entourés et aidés par de nombreuses générosités, pendant plus de dix ans, nos frères ont été les artisans d’un dur labeur pour transformer extérieurement et intérieurement leur nouvelle demeure de la Cotellerie en maison religieuse, c’est-à-dire édifier la construction matérielle, humaine et spirituelle de la future Congrégation canoniale de Marie Mère du Rédempteur. Au fil des années, cela s’est concrétisé grâce à la sollicitude de l’Église en la personne du père Rogatien Laure, dominicain, et de Dom Jean Prou, Abbé de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Il reviendra à Monseigneur Louis-Marie Billé, évêque de Laval, d’inscrire dans la vie de l’Église notre Institut, avec ses notes caractéristiques d’une vie canoniale et apostolique.
Petits Frères de Marie, nos quatre frères ne sont pas prêtres ; pour notre Congrégation, c’est à mon sens un signe prophétique, cela nous engage à vivre quotidiennement et fraternellement l’esprit de simplicité et de joie de la première communauté chrétienne qui ont marqué profondément les débuts de l’Œuvre. Aujourd’hui, bien malgré nous, le confinement du pays nous fait vivre l’effacement et la discrétion de la naissance de la fondation en ce lieu.
Aujourd’hui, notre action de grâce se concentre sur l’amour de Dieu en lui-même, sur l’amour de Dieu pour nous et sur notre amour pour Dieu. Saint Augustin en a saisi le sens et la portée lorsqu’il s’écrie dans les soliloques : « O Dieu, vous délaisser c’est périr ; vous contempler c’est vous aimer ; vous voir c’est vous posséder. O Dieu, c’est vers vous que la foi pousse, c’est vers vous que l’espérance nous élève, c’est à vous que la charité nous unit… Désormais, je n’aime que vous, je ne m’attache qu’à vous, je ne cherche que vous, je ne veux servir que vous. » (Les soliloques, L.I, ch.1).
Avec nos frères Pierre, Bruno-Marie, Jean-Michel et Claude, nous faisons nôtre cette belle prière de saint Augustin, nous remercions le Seigneur, nous sommes dans l’allégresse, la joie et la reconnaissance. Les vies consacrées au Seigneur nous offrent beaucoup de raisons de rendre grâce. Aujourd’hui, je voudrais seulement relever trois raisons de rendre grâce :
Première raison qui est d’ailleurs un singulier paradoxe :
Parce que nos frères ont choisi de donner leur vie à Jésus et de le suivre, peut-être pourrions-nous penser uniquement : au Seigneur nous donnons tout ! Or, aujourd’hui, nous comprenons que c’est le Seigneur qui nous donne tout ! C’est le Seigneur qui nous donne de pouvoir nous donner et, en définitive, c’est Dieu qui nous comble ! Ainsi, nous préparons vraiment notre avenir… car l’avenir c’est l’Éternité, et l’Éternité c’est la contemplation sans fin de la Trinité.
Deuxième raison de dire merci, nouveau paradoxe :
Comment peut-on être heureux quand on vit dans un prieuré, en clôture, une partie de notre temps et sans doute pour la vie ? N’est-ce pas de l’isolement tout simplement ? Dans l’ensemble, le monde nous ignore, alors que nous portons le monde dans notre prière. Dans une vie de communauté, parfois on se supporte, quand on ne s’emporte pas… Mais quand même, nous avons une paix, cette paix du Seigneur que le monde ne peut donner. Or le grand signe qu’on est dans sa vocation, ne nous y trompons pas, c’est la joie, ce qui n’exclut pas les difficultés, les efforts pour l’entretenir.
Troisième raison de remercier le Seigneur aujourd’hui :
Quatre religieux jubilaires habités de joie, dans un prieuré, est un signe supplémentaire de la présence de Dieu dans le monde. Nous vivons dans un monde de décibels toujours grandissants, de réseaux sociaux, d’accélération constante. Chers frères, comme et avec Marie, vous nous apprenez le silence, la présence et le don de soi, tellement mieux peut-être que les scientifiques du monde virtuel et les penseurs de l’environnement et de l’écologie !
Si aujourd’hui, nous sommes capables de photographier la face cachée du cosmos, sommes-nous capables de bien connaître cette autre face de la vie humaine : la dimension spirituelle, son intériorité, la vocation terrestre et céleste de l’être humain.
L’Essentiel, nous rappelle la Parole de Dieu, au fond, est une personne à aimer : vous nous apprenez surtout que le but de la vie, ce sont justement les Noces Éternelles avec le Christ. Un jour, nous serons les témoins éblouis de cette rencontre fabuleuse à la fin des temps entre le Christ et toute l’humanité sauvée.
Pour marquer votre jubilé, vous avez fait le choix, à l’offertoire, de faire mémoire pour l’essentiel de votre première consécration prononcée au temps de la fondation dans un acte de confiance totale et d’espérance en présence de Mère Marie de la Croix, notre fondatrice. Que l’Eucharistie de ce jour soit notre offrande comme elle le fut pour Marie lors de sa présentation au Temple.
Et pour conclure : Heureux jubilaires êtes-vous d’avoir accueilli l’appel du Seigneur dans le don de votre vie. Frères Pierre, Bruno-Marie, Jean-Michel et Claude, vous êtes un signe, par ce que vous êtes et par la jeunesse de votre cœur, de ce Dieu qui vous habite, en attendant le jour bienheureux où vous pourrez contempler, avec Marie et tous les anges et les saints, l’Amour de Dieu.
Introduction de Monseigneur Scherrer : Chers Frères et Sœurs, je vous dis ma joie, à mon tour, de pouvoir être au milieu de vous, aujourd’hui, pour marquer ce double évènement : d’abord du cinquantenaire de la Fondation de cette Communauté, et puis, bien sûr, les jubilés de nos quatre Frères ainés qui ont été là dès le début de l’histoire de cette Maison.
La présentation contextualisée du Frère Jean-François nous met dans l’esprit de ce que nous allons vivre, même si la situation peu ordinaire que nous vivons nous oblige de réduire un petit peu la solennité de cette Fête. Elle portera peut-être davantage la marque de Marie dans son humilité, dans sa discrétion ; ce qui nous empêche pas, bien sûr, de rendre grâce à plein au Seigneur.
Préparons-nous à la célébration de cette Eucharistie en reconnaissants que nous sommes pécheurs.
Homélie de Monseigneur Scherrer : Chers frères et sœurs, chers amis,
Vous avez choisi la liturgie de la Présentation de Marie pour marquer l’événement du jubilé de vie religieuse de nos quatre frères Pierre, Jean-Michel, Claude et Bruno-Marie, et lancer en même temps cette année jubilaire pour rendre grâce au Seigneur des 50 ans de Fondation de cette Communauté. C’est une heureuse opportunité. Cette fête en effet, toute illuminée de l’offrande que Marie fit de toute sa personne et de sa vie à Dieu à l’aube de sa vie d’adulte, a été choisie à dessein par les religieux et religieuses pour le renouvellement de leurs vœux de consécration.
La tonalité jubilatoire nous est clairement donnée par l’invitation à la joie que nous relayait le prophète Zacharie en première lecture, invitation à la joie, bien sûr : « Chante et réjouis-toi, fille de Sion ! » Autant dire que nous apprécions de pouvoir nous réjouir un peu en ces temps bien moroses où le confinement atteint le moral des troupes.
Le cadeau de cette liturgie de la Parole, c’est de nous donner de revisiter, en quelque manière, dans la lumière de la joie, les trois piliers de la vie canoniale. Cette joie est donc triple d’une certaine façon.
– c’est d’abord la joie de l’élection et de l’envoi en mission : élection, « Le Seigneur prendra possession de Juda… il choisira de nouveau Jérusalem ». Le Seigneur nous a élus, le Seigneur nous a choisis, il nous faut toujours revenir à cette vérité première. La joie a ainsi une dimension mémorielle. Elle brille et fleurit toujours sur le fond de la mémoire reconnaissante. Regardons les apôtres : ils n’ont jamais oublié le moment où Jésus avait touché leur cœur : « C’était environ la dixième heure » (Jean 1, 39), racontera saint Jean au tout début de son évangile. Cet acte d’anamnèse doit porter d’abord sur la dimension de gratuité inhérente à tout appel quel qu’il soit. Nous sommes le fruit de la gratuité de Dieu, il ne faut jamais l’oublier, nous sommes le fruit de la libre prodigalité de son amour. C’est notre point-source et la raison de notre joie : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, nous dit Jésus, c’est moi qui vous ai choisis… ». On peut douter de soi par moments, être découragés, mais il est une certitude qui doit prévaloir absolument, c’est celle d’avoir été choisis par le Seigneur. Et en même temps qu’il nous choisit, le Seigneur nous assigne un poste à tenir, celui du disciple- missionnaire tout heureux de faire fructifier la grâce de son baptême et de sa confirmation. C’est la dimension apostolique de la vie canoniale : être signe au milieu du monde de ce Dieu qui nous aime et qui a planté sa tente parmi nous.
– Cette joie, c’est donc aussi celle d’être le temple de la Trinité Sainte, le réceptacle en notre âme de la gloire de Dieu : « J’habiterai au milieu de toi », promet le Seigneur à la fille de Sion. Mystère indicible de l’inhabitation de Dieu en nous que réalise l’Eucharistie célébrée quotidiennement et prolongée dans l’adoration du Saint-Sacrement. C’est par le baptême que nous sommes devenus, chacune et chacun, le temple du Saint-Esprit. Quelle source permanente d’émerveillement : notre être tout entier, corps, âme et esprit, est la demeure que Dieu s’est choisie, comme une cellule intérieure au sein de laquelle Il souhaite être quotidiennement invité ! « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Apocalypse 3,20). C’est par un acte de foi que l’on parvient à se rendre attentif à cet hôte intérieur. C’est par la foi que nous poussons les portes de la cellule intérieure de notre âme, et le Dieu d’amour vient alors habiter en nous. Je pense à ce qu’écrivait sainte Élisabeth de la Trinité dans 1’une de ses lettres, je la cite : « II est en moi. je suis en Lui, je n’ai qu’à 1’aimer, qu’à me laisser aimer, et cela tout le temps, à travers toutes choses : s’éveiller dans l’amour, se mouvoir dans l’amour, s’endormir dans l’amour, l’âme en son Âme, le cœur en son Cœur, les yeux en ses yeux, afin que par son contact Il me purifie, me délivre de ma misère » (Lettre 169, juillet 1903). Elle ajoutait que vivre à chaque instant dans la grâce de cette présence intérieure, c’était « le secret du bonheur » (Lettre 175). Cela, bien sûr, c’est la dimension liturgique et spirituelle de la vie canoniale, la première, celle qui doit prendre le plus de place dans chacune de nos vies.
– C’est la joie enfin que procure l’esprit de famille, la fraternité. C’est le thème que déployait l’Évangile de ce jour où Jésus fait passer les liens spirituels avant les liens du sang. « Qui est ma mère, qui sont mes frères ? » Jésus se fait ici presque provocant pour nous rappeler que nous appartenons à une famille plus large que celle que tisse la parenté simplement biologique ou charnelle. Dans cette famille aussi riche que diversifiée que nous constituons, nous partageons un patrimoine commun, une sorte, -j’oserais dire-, de patrimoine génétique spirituel : la Parole de Dieu. Une Parole où Dieu dit à chacun de nous : « Je t ‘aime, tu as du prix à mes yeux » (cf Isaïe 43,4). Cet esprit de famille que promeut la fraternité, c’est le troisième pilier de la vie canoniale dont l’enjeu déterminant donne toute sa force au témoignage évangélique : « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, nous dit Jésus, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 35). Votre Directoire, mes chers frères, donne des consignes très claires à ce sujet : « Pour favoriser la communion d’esprit et de cœur » de ceux qui sont appelés à vivre ensemble dans une même communauté, il vous appelle, -ce directoire, entre autres,- à la « délicatesse, au sens de l’humour, à l’esprit de partage, la simplicité heureuse et la confiance réciproque (page 50) ». Notre Synode diocésain y insiste également : c’est en étant d’inlassables bâtisseurs de fraternité que nous ouvrons en ce monde des chemins de joie.
Seigneur Jésus, depuis les fondations de cette communauté, il y a cinquante ans, tu n’as cessé de montrer à tes frères ta sollicitude pleine de miséricorde. A travers les joies comme à travers les épreuves, tu as multiplié pour eux les signes de ta présence et manifesté ta fidélité de tous les instants. Nous te confions cette communauté religieuse que tu aimes, et tout particulièrement nos quatre frères qui célèbrent en ce jour leur jubilé d’or. Garde-les dans cette joie intacte et pure que tu as fait jaillir comme une source dans le mystère de ta mort et de ta résurrection. Qu’ils puissent avec une immense gratitude au cœur te redire le oui de leur consécration, le redire dans le oui virginal et toujours neuf de Marie, ta Mère, le redire dans le oui principiel que tu as toi-même offert au Père aux jours de ton Incarnation pour le salut de tous les hommes. Amen.