12e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023
25 juin 2023
- Frère Jean François CROIZÉ
INTRODUCTION
Chers frères et sœurs, il y a huit jours, Monseigneur Thierry Scherrer qui a servi notre diocèse comme évêque pendant une quinzaine d’années, a été installé à Perpignan. Aujourd’hui, il ordonne deux diacres qui deviendront prêtres. Prions pour lui, pour son ministère. Et puisque nous n’avons plus d’évêque pour le moment, nous ne mentionnons plus le nom de l’évêque dans le canon. Mais, ça ne nous empêche pas, au contraire, c’est un devoir pour nous, de prier pour que le Seigneur envoie un pasteur pour notre diocèse.
Et comme un diocèse ne peut pas rester en pleine vacance, nous avons un administrateur diocésain en la personne du Père Frédéric Foucher. Prions pour lui, prions pour notre diocèse, et remercions le Seigneur de nous donner des pasteurs selon son cœur, des gens qui répondent généreusement à l’appel du Seigneur.
Pour nous-mêmes qui entrons dans cette Eucharistie, demandons au Seigneur cette disposition du cœur à le servir, l’aimer.
HOMELIE
Chers frères et sœurs, nous approchons du mois de juillet, synonyme de vacances. Alors je ne sais pas ce que vous vous entendez par vacances. Ce que j’entends, c’est souvent synonyme de repos, de refaire ses forces. C’est une très bonne chose. Mais aussi, il y a un certain côté ‘individualisme’, où on recherche quelquefois à s’éclater, et puis avec tout ce que cela peut comporter de, j’allais dire, de relâchement, pas forcément dans le bon terme, à tous les niveaux.
Or le Seigneur a une bonne nouvelle à nous annoncer, il a un projet pour vos vacances. Alors quel est ce projet ? C’est celui de nourrir votre cœur à travers le témoignage, celui du témoignage. Et la Parole de Dieu nous y invite. De plus, c’est une volonté de Dieu qui nous assure de sa protection, de son Esprit Saint, et le témoignage requiert la confiance pour surmonter la peur, la foi pour nous ouvrir à la volonté de Dieu, et la charité comme voie d’évangélisation.
Au fond, la question que nous pourrions nous pose : quelle place faisons-nous à la providence, à la miséricorde de Dieu dans notre vie chrétienne, et pour ce monde auquel nous sommes envoyés ?
En tant que chrétiens, nous avons une vocation à la mission, au témoignage, une bonne nouvelle à annoncer. Et dans l’Évangile d’aujourd’hui, nous écoutons les recommandations que Jésus fait à ses disciples, envoyés en mission. Il ne parle pas seulement de lieux à visiter, de style à adopter, de provisions à chercher, mais de l’éventualité de persécutions, et de la bonne attitude évangélique quand elle frappe les missionnaires. Et le Christ invite trois fois ses disciples à ne pas avoir peur. En invitant à ne pas avoir peur, le Christ demande aux disciples, nous compris, de vivre la confiance de sa présence qui libère de la peur. Cette confiance vient dans le fait de croire vraiment que notre vie est dans la main de Dieu.
Bien sûr la peur, surtout celle de mourir, restera toujours, elle deviendra parfois la juste prudence de ne pas nous exposer à des risques inutiles. La peur en nous coexiste toujours avec la foi. Là où la foi est ferme, la peur est plus faible. Là où la peur est envahissante, la foi a besoin d’être affermie.
La crainte, la peur, n’a pas ses racines non seulement dans le fait que Jésus avait dit peu de temps auparavant à ses disciples « qu’il les enverrait comme des agneaux au milieu des loups ». En fait, il y a une certaine crainte qui régit nos actions, comme l’instinct de la conservation, de survie qui, instinctivement paralyse, contrôle ce que nous faisons. La foi nous dit que notre vie est protégée par l’amour de Dieu. Nous sommes dans la main de Dieu qui est Père et donc providence.
L’Évangile d’aujourd’hui confirme cette foi et le Christ nous appelle, nous rappelle que si Dieu prend soin aussi des plantes, des moineaux, il le fait vraiment avec nous chaque jour. Dieu n’est jamais absent, il est avec nous à chaque instant de notre vie, et il le sera jusqu’à la fin du monde. Nous le savons, nous sommes dans la main de Dieu qui a fait sien le drame de l’Homme en devenant chair pour nous sauver. Il est toujours présent, se penche sur nos blessures, sèche nos larmes, se baisse sur chacun de nous.
D’un côté nous sommes portés à avoir confiance en Dieu, comme affirme le psalmiste : « Le Seigneur écoute les humbles, il n’oublie pas les siens emprisonnés. » Mais de l’autre nous avons peur, et hésitons à nous abandonner à Dieu, Seigneur et sauveur de notre vie. « On ne sait jamais » dit-on, parce que blessé par les peines, les épreuves, les difficultés de la vie nous doutons de lui comme Père. Dans les deux cas, la providence de Dieu est comme en cause par notre fragile humanité.
Sur cette fine crête entre l’espérance et la désespérance se trouve la Parole de Dieu. Dans la première lecture, Jérémie se plaint : « J’ai entendu des menaces de la foule contre ma vie. C’est à toi que j’ai confié ma cause désespérée. Oui, avoue-t-il, le Seigneur a délivré le malheureux du pouvoir des méchants. »
Jérémie en a fait l’expérience, alors qu’il était assailli par ses amis et ses ennemis qui voulaient le mettre à mort, parce que devant les menaces tragiques de l’envahisseur, il avait exhorté les personnes qui l’écoutait à s’en remettre uniquement à Dieu. Pour cela Jérémie a été pris, ligoté, fouetté dans le Temple. Et pourtant dans l’Évangile, Jésus affirme que rien ne restera caché à Dieu, rien ne lui sera inconnu, ni même la plus petite des souffrances. L’affirmation « pas un seul moineau ne tombe à terre sans que votre Père le veuille » ne veut pas dire qu’il ne nous arrivera jamais de tomber, cela signifie que s’il nous arrive de tomber Dieu le sait. Dieu est présent dans nos souffrances.
Nous ne sommes pas abandonnés. Il y a sa présence comme présence de salut, même si, en apparence, celle-ci n’est pas perçue, et même si, au niveau psychologique, cela n’a pas un grand impact, lorsque nous n’avons pas de réconfort. Mais au sein d’une dimension de foi, il y a la possibilité de vivre quand même cette présence d’amour de l’Emmanuel, ce Dieu toujours avec nous. Et Jésus nous invite au dépassement constant de nous-mêmes, à une propulsion de toutes nos forces vives vers cet avenir qui est en Dieu, qui est Dieu.
Et Saint Paul compare les souffrances humaines et cosmiques aux douleurs d’un enfantement de toute la création, soulignant les gémissements de ceux qui commencent à recevoir l’Esprit et attendent la plénitude de l’adoption, à savoir la rédemption de notre corps. Et Saint Paul met aussi en garde dans une de ses lettres, lettre aux Galates : « Ne vous y trompez pas, on ne se moque pas de Dieu, ce que l’on sème, on le récoltera. Qui sème dans sa chair, récoltera de la chair la corruption. Qui sème dans l’esprit, récoltera l’esprit de la vie éternelle. »
Mais il ajoutera : « Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien. » Et plus loin il ajoute : « Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ, la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? » Jusqu’à conclure : « J’en ai la certitude, ni la mort, ni la vie, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »
A côté de la paternité de Dieu qui se manifeste dans la Providence divine, apparait aussi la pédagogie de Dieu : ce que vous endurez est une éducation. Dieu se comporte envers nous comme envers des fils. Et quel est le fils auquel son père ne donne pas de leçon ? Nous comprenons que lorsque nous sommes dans l’épreuve ce n’est pas facile à entendre. Vu donc avec les yeux de la foi, les épreuves auront beau apparaitre sous l’aspect le plus sombre du destin de l’homme sur terre, elle laissera, ou elles laisseront, transparaitre les mystères de la divine Providence, contenus dans la révélation du Christ, et en particulier dans sa croix et dans sa Résurrection.
L’important est de découvrir, à travers la foi, la puissance et la sagesse de Dieu le Père, qui avec Jésus Christ, nous conduit sur les sentiers salvifiques de la divine Providence. Se confirme alors le sens des paroles du psalmiste : « Le Seigneur est mon berger. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. »
Et à la suite de Marie, que dans la certitude de l’amour de Dieu, nous répondions à l’appel de Dieu. Et dans l’écoute de la Parole de Dieu, que nous trouvions la sagesse des enfants de Dieu, à laquelle nulle sagesse humaine ne peut répondre.
AMEN