14ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)
5 juillet 2020
- Don Charles Hastings
Cher Frère Jean-François, chers Frères de la Cotellerie, chers Frères et Soeurs, c’est une grande joie de venir célébrer la Messe ici, en ce lieu de la Cotellerie qui m’a beaucoup marqué dans ma vocation, dans mon chemin pour devenir prêtre.
C’est une grande joie maintenant, aujourd’hui d’avoir suivi le Christ dans cette voie du sacerdoce il y a une semaine et un jour, tout nouveau prêtre, bébé-prêtre faisant mes premiers pas dans le sacerdoce. C’est une grande joie d’avoir reçu ce don du sacerdoce au cours de ce chemin en m’y étant préparé en famille, en y étant préparé au cours du séminaire, en essayant de suivre le Christ « doux et humble » qui veut que nous prenions notre fardeau à sa suite, que nous devenions ses disciples, pour devenir à notre tour « doux et humble de cœur » en le suivant.
C’est une grande joie de venir célébrer l’Eucharistie parmi vous, ici, en ce lieu qui m’a beaucoup marqué à travers le scoutisme notamment, à travers les processions de la Fête-Dieu, à travers le sens du Sacré, du Divin, que je crois avoir reçu, ici, à l’école du service de la messe notamment.
Je vous remercie, chers Frères, pour votre témoignage. Merci pour votre accueil, pour vos prières, lors de cette ordination, qui ne font que commencer, enfin qui ont déjà commencé pendant le séminaire, qui m’ont accompagné et que j’en suis sûr continueront à me porter, à porter tous les prêtres, pour que nous soyons vraiment « doux et humble » à la suite du Christ comme il nous l’a appris.
Je salue également ceux qui nous écoutent à travers les ondes, à travers Fidélité-Mayenne et puis à travers la retransmission de Facebook.
Nous méditons aujourd’hui la manière dont le Christ, comme nous l’avons médité dans la collecte, dans la prière d’entrée, vient relever le monde par ses abaissements, par la manière dont il se rend accessible aux hommes. Le Christ vient nous révéler le visage du Père. Souvent nous avons l’impression que Dieu est loin, nous voulons le voir, le toucher, sentir sa présence, le voir au plus près de nous dans nos épreuves, dans nos joies et voilà que le Christ est réellement présent au milieu de nous.
Il est présent dans l’Eucharistie. Il est présent dans le témoignage des baptisés. Il est présent dans notre vie à nous. Il est présent dans le don du sacerdoce, aussi dans ces hommes qui sont choisis gratuitement par Dieu pour appeler à le représenter. Le Christ est réellement présent au milieu de nous. Le Christ par ses abaissements rend accessible la vie de Dieu. Je trouve ça impressionnant, ça m’a marqué au séminaire de voir à quel point le Christ confie des trésors, se confie lui-même à travers de pauvres instruments que sont les prêtres.
Cela m’a beaucoup marqué au séminaire, ça continue à me marquer aujourd’hui, le Christ s’abaisse parce qu’il choisit des médiations qui sont très pauvres. Le Christ s’abaisse en faisant confiance à des hommes pauvres qu’il a choisis avec leurs défauts, leurs qualités, certes, et qu’il choisit pour le représenter vraiment. Il y a une certaine disproportion entre ce qu’est le prêtre, cet homme, et entre ce qu’il représente, c’est-à-dire le Christ lui-même.
L’Eucharistie est tout d’abord cette première médiation qui représente le Christ réellement au milieu de nous. Dans l’Eucharistie, nous voyons ce pain, ce pain des voyageurs qui est un pain pauvre d’ailleurs, un pain tout pauvre qui est vraiment l’aliment de notre vie, qui est celui qui va nous nourrir jour après jour de notre vie de chrétiens. Si nous n’avions pas l’Eucharistie, nous n’aurions pas cette proximité avec le Christ, la grâce de construire une amitié réelle avec le Christ parce que quand nous communions nous venons lui apporter toutes nos joies, toutes nos difficultés pour qu’il les fasse fructifier jusque dans la vie éternelle. Nous lui apportons nos doutes, nous lui apportons nos soucis de famille, de travail, c’est ainsi que l’Eucharistie vient prendre de la valeur, vient prendre de l’ampleur dans notre vie pour autant que nous y mettions de nous-mêmes. Quand le prêtre élève la patène, c’est toutes nos joies, nos difficultés qu’il élève en même temps pour qu’elles deviennent le Corps et le Sang du Christ.
Il y a une disproportion aussi, comme je vous le partageais, dans le don du sacerdoce où des hommes deviennent simplement l’instrument du Christ, instrument de Dieu.
Le prêtre est un médiateur. Il est conscient, en tous cas moi, je suis conscient de mes pauvretés. Le séminaire nous invite beaucoup à ça aussi, je regarde mes Frères de communauté, les trois nouveaux diacres aussi qui sont parmi nous. Le séminaire nous invite à travers les branches mutuelles, à travers le regard des formateurs, bienveillant mais exigeant, justement exigeant qui nous apprend justement à nous regarder en vérité et à savoir que nous sommes inadéquats face à ce service que Dieu nous propose.
Les médiations nous mettent, notamment le sacerdoce, nous mettent en contact avec la douceur et l’humilité du Christ. Nous sommes invités à porter son fardeau qui est doux et léger, qui est exigeant c’est sûr, mais pour autant que nous suivons le Christ nous avons sa force un peu comme Simon de Cyrène lors du chemin de Croix qui vient aider le Christ à porter sa croix, sans doute il avait autre chose à faire, il avait lui-même ses soucis, et en portant la croix avec le Christ, sans doute que ses fardeaux, le poids de ses fatigues sont devenues beaucoup plus légères. Parce qu’il a porté la croix avec un autre homme, qui lui-même l’a portée pour lui. Le Christ portait la croix pour Simon de Cyrène alors que lui-même venait soit se proposer, soit être réquisitionné pour porter cette croix.
C’est ce qu’il y a de soulageant dans la suite du Christ, c’est que finalement nous prenons conscience de notre poids parce que quand nous nous approchons de Dieu nous voyons un peu comme plus il y a de lumière, plus il y a d’ombre. Parce qu’il y a des obstacles et donc nous prenons conscience de nos pauvretés quand nous nous approchons de Dieu, finalement elles deviennent légères parce que Dieu nous en donne la force et le Christ lui-même les porte, jour après jour, à côté de nous.
Tout d’abord l’humilité du Christ nous est transmise à travers justement le don du sacerdoce, à travers la suite du Christ. Le Christ dit lui-même : « Tout m’a été remis par le Père ». Le Christ Jésus est lui-même le plus humble, celui qui a tout reçu du Père : « Père, je te bénis » car j’ai tout reçu de toi, tu as tout remis entre mes mains. Voyant cela au moment de l’agonie où le Christ est appuyé contre son rocher, au jardin des Oliviers, alors qu’il va donner sa vie, le Christ est humble parce qu’il remet tout dans le Père. Cela lui coûte parce qu’il va donner sa vie, il remet tout dans les mains du Père.
Je vois dans ma propre vie, en tout cas de jeune prêtre, au fur et à mesure de ce séminaire où je prends conscience que je suis invité à une plus grande humilité dans la réception de cette charge du sacerdoce puisque je n’ai aucun mérite. Je n’ai aucun mérite à avoir reçu cet appel de Dieu : et j’en suis conscient que ce soit en famille, à travers le scoutisme, ou le service de messe, ou même à la Cotellerie en venant, en recevant cet appel renouvelé du Christ. Parce que le Christ appelle une fois, certes mais comme Saint Pierre il va le conduire à travers différents appels.
Et je me souviens de ce moment précis où le Christ est venu me re-proposer délicatement, mais d’une manière sûre, son appel pour moi. Je rends grâce à Dieu pour cet appel sans condition. Cet appel qu’il m’a adressé à partir de l’âge de sept-huit ans, quand j’étais en famille où j’ai pris conscience de manière claire que Dieu m’appelait à le suivre comme prêtre.
Nous en prenons conscience au fur et à mesure du séminaire aussi, notamment lorsqu’il y a tout un parcours où l’Église vient discerner si la vocation vient vraiment de Dieu, et donc nous-mêmes nous pouvons venir de manière un peu sûre, la fleur au fusil en disant : « Voilà, je vais être prêtre c’est sûr, j’ai mûri ce désir, alors maintenant je vais y arriver », nous apprenons à nous dessaisir de notre vocation, c’est un chemin aussi qui m’a coûté au séminaire, nous apprenons à recevoir notre vocation de l’Église. L’Église doit venir attester cette vocation, donc on va lui remettre notre discernement entre ses mains, entre les mains de nos formateurs, qui eux-mêmes vont prendre le temps de réfléchir, de prier et de voir que le projet de Dieu est effectivement celui-là pour ce candidat.
Je me souviens de cette étape en quatrième année où nous sommes invités à être parmi les candidats aux « Ordres Sacrés », -c’est un terme un peu barbare,- pour montrer que, en quatrième année, l’Église reconnaît que le jeune est effectivement appelé par Dieu à être prêtre. C’est comme si on venait, voilà dans cette salle d’attente, on venait nous mettre à la suite du Christ de manière officielle. Voilà l’Église reconnaît officiellement cette vocation. C’est cette humilité, je pense, que nous apprenons au séminaire et que nous essayons ensuite de cultiver ; en tout cas, comme prêtre, j’aimerais à cœur de développer cette humilité, savoir que le Père a tout remis entre nos mains.
C’est ce que dit cette phrase qui m’a marqué dans l’évangile, c’est que le Père se propose, le Père se dévoile à ceux qui le veulent : « Celui à qui mon Père veut se révéler ». Le Père a voulu se révéler à moi, a voulu se révéler aux prêtres, a voulu se révéler à chacun d’entre vous aussi qui êtes baptisés. Le Père a voulu se révéler à vous par des médiations que sont la famille, par une foi qui peut être reçue de manière traditionnelle, mais le Père veut établir avec chacun d’entre nous un vrai dialogue, et cela nous garde dans l’humilité.
Nous apprenons aussi de la suite du Christ la douceur. En prenant son fardeau, en prenant cette croix, jour après jour avec nos épreuves aussi, avec le poids du jour que ça représente, nous apprenons la douceur. Dans la première lecture, nous voyons ce grand Roi, le Roi juste et victorieux qui rentre dans Sion, le grand Roi que le peuple d’Israël attend, qui va enfin amener le salut à ce peuple opprimé ; et ce Roi est monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Nous le voyons à nouveau lors de l’entrée à Jérusalem où le Christ justement va s’offrir, va offrir sa vie.
Le Christ, Dieu, ne s’impose pas, c’est la force de cette douceur. La douceur n’est pas mièvre, ce n’est pas une manière de fuir les combats par le bas, en s’abaissant, en voulant éviter les conflits. La douceur est justement cette force qui sait qu’elle atteindra son but. Si Dieu est doux, c’est parce Dieu sait qu’il atteint son but et qu’il est moins pressé que nous finalement. Dieu est moins pressé que nous à nous voir chrétiens, à nous voir déployer notre vie, Dieu a ce désir infini pour chacun d’entre nous, il est pressé, certes, mais il sait qu’il atteindra son but à la fin de la vie. Il nous tend différentes perches au fur et à mesure de notre vie pour que nous puissions les saisir. Il nous accompagne avec douceur parce qu’il sait qu’il va réaliser, il va réaliser le but de notre vie qui est justement de le découvrir durant cette terre et d’épanouir cette joie pleinement dans le ciel.
La douceur, elle s’apprend aussi avec les combats. Elle s’apprend avec les combats, dans la deuxième lecture, nous voyons le combat entre la chair et l’Esprit de Dieu. Nous qui sommes chrétiens, nous sommes marqués par ce combat.
Ce combat de la chair, nous voulons laisser Dieu agir dans notre vie. Le combat est peut-être plus rude encore quand on est chrétien parce qu’on prend conscience de la valeur de ce qu’est la vie divine. Quand on vient à la messe, quand on prie en famille, quand on voit des hommes consacrés à Dieu, tout cela ça nous renvoie aussi à nos propres manques. Plus on grandit dans cette amitié avec Dieu, plus on voit nos propres manques. Eh bien, ce combat, il nous marque. Le combat de la chair, le combat jour après jour pour obtenir, pour -on pourrait dire- arracher ces vertus. Ce combat, il nous marque, nous voulons recevoir cet Esprit de Dieu, un Esprit de douceur, d’amour, de paix et de joie, ce sont les fruits de l’Esprit-Saint.
Si nous sommes invités à être doux à notre tour, c’est parce que nous avons été éprouvés, parce que nous sommes passés par le creuset du combat. Quelqu’un de doux, en général, est une personne qui a elle-même été éprouvée, et qui a une certaine patience, une certaine bonté, parce qu’elle désire quelque chose de grand pour cette personne et elle sait qu’elle va l’obtenir avec le temps. Elle prend toute la personne en fait, elle englobe la personne dans tout ce qu’elle est. Elle ne va pas simplement regarder avec des œillères tel ou tel point à développer, une personne qui est douce elle va prendre la personne dans son intégralité. Nous voyons ça, par exemple, chez des personnes plus âgées, chez nos grands-parents qui nous embrassent d’un regard qui est grand, qui est large, eh bien, de même pour Dieu. Je vois notamment dans ma propre vie maintenant de prêtre, en tout cas de séminariste, au cours du séminaire, nous apprenons aussi à nous laisser conquérir par Dieu. Nous apprenons à travers les combats qui sont réels, nous apprenons à nous laisser conquérir par Dieu.
Je pense aussi à cette phrase de Jérémie qui m’a marqué, cette phrase de Jérémie où Jérémie dit, il est entouré par de personnes qui lui veulent du mal, il est un peu rebelle face à sa vocation : Tu m’as appelé jeune, tu ne m’as pas doté des qualités alors que tu exiges quelque chose d’exigeant pour moi, comme s’il s’était fait avoir par Dieu, et Jérémie dit à l’intérieur de lui-même, il livre ce combat, il dit : « Seigneur, tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort ». Jérémie s’est laissé vaincre à l’intérieur de lui-même et c’est ce qu’il va lui donner une certaine force vis-à-vis des autres, vis-à-vis de ses persécuteurs. Cette phrase m’a marqué au fur et à mesure du séminaire.
Alors, demandons à Dieu pour nous-mêmes et pour les prêtres, que nous soyons des disciples doux et humbles de cœur à la suite du Christ.
Demandons-lui cette humilité en reconnaissant que cet appel à la sainteté est gratuit.
Demandons aussi cette douceur à travers le combat que nous menons en sachant que Dieu veut quelque chose de grand et qu’il le veut avec le temps et avec patience. Amen.