24e Dimanche du Temps Ordinaire B 15 septembre 2024
15 septembre 2024
- Frère Yves FRÉMONT
Accueil :
Hier, nous avons célébré, solennellement, la Croix glorieuse et à cette occasion, notre Frère Cédric-Jean a fait son engagement temporaire d’oblature chez nous. Nous prions pour lui.
Et puis aujourd’hui, nous restons sur le thème de la Croix, puisque Jésus nous dit aujourd’hui : « Si tu veux sauver ta vie, et bien il faut que tu écoutes, il faut que tu la perdes et que tu écoutes ma Parole. » On essaiera de comprendre qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire par là : perdre sa vie.
Et puis, je vous confie très simplement un ami qui, aujourd’hui, célèbre ses 10 ans d’ordination diaconale, Laurent Grandpierre, qui, lui aussi, est éprouvé avec son fils, qui est prêtre… Nous avons chacun nos souffrances, nos difficultés. Portons-le aujourd’hui alors qu’il célèbre ses 10 ans d’ordination diaconale. Merci.
Homélie :
Hier, nous avons donc célébré la Croix glorieuse. Aujourd’hui, 15 septembre, l’Église fait mémoire de Notre Dame des sept douleurs. Mais, c’est dimanche aujourd’hui, le jour de la résurrection, et ce jour du Seigneur prime sur cette mémoire mariale. J’en fait mention parce que l’Évangile d’aujourd’hui nous parle de la Croix. Jésus présente son programme : il commence à montrer à ses disciples qu’il lui faut« partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup, être rejeté par les Anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué et que trois jours après il ressuscite ». C’est le monde à l’envers : un roi sans arme, ni privilège… Pire, un roi maltraité et apparemment consentant… Quelle idée !
Alors, Pierre réagit et il a raison. Nous ne sommes pas faits pour la souffrance. Mais voilà, nos pensées ne sont pas celles de Dieu. « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »Que nos vues soient spontanément humaines, quoi de plus naturel ! Si tu reçois une gifle, j’ai envie d’en donner une, c’est naturel, c’est spontané. Mais, il nous faut laisser l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu, transformer nos pensées, parfois même les bouleverser complètement, pour rester fidèle au plan de Dieu qu’incarne, bien sûr, Jésus.
Le plan de Dieu diffère radicalement de notre propre manière de voir. Il s’agit du salut du monde, c’est-à-dire de la naissance d’une humanité nouvelle, celle du Royaume, celle qui est régénérée par Dieu lui-même, dans sa tendresse et son immense amour pour nous. Mais, ce salut des hommes ne peut se faire par un coup de baguette magique : où serait dans ce cas notre liberté humaine ?
Le salut des hommes passe inévitablement par une conversion ; et comment convertir les hommes sans leur montrer le chemin ? Alors il fallait que Jésus emprunte, en premier et fermement et jusqu’au bout, le chemin de la vérité, dans la douceur, la bonté et le pardon, avec comme objectif que nous puissions, nous, à notre tour, l’emprunter ce chemin de la vérité dans l’amour de Dieu. Dans l’amour de Dieu.
Ce plan ne s’accommode pas d’un Messie triomphant : enfin Dieu va mettre de l’ordre dans tout ça ! Ce dieu-là n’est pas le Dieu de Jésus-Christ. Ce plan ne s’accommode pas, non, d’un Messie triomphant. Ce plan passe par le don suprême de sa vie : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Pour rentrer quelque peu dans ce difficile mystère de la Croix, nous pourrions distinguer d’un côté,ce qui est de l’ordre de l’amour de Dieu dans nos vies, amour éternel et parfait, et puis de l’autre, toujours dans notre vie, la réalité de la souffrance inhérente à toutes nos vies humaines. S’il est évident qu’il faut tout faire pour fuir la souffrance, – on est bien d’accord là-dessus -le principe de réalité nous dit que la souffrance accompagne, qu’on le veuille ou non, chacune de nos vies.
D’un côté donc, la réalité de l’immense amour de Dieu, pour nous, et de l’autre, l’expérience aussi réelle de la souffrance. Et donc, le mystère de la Croix qu’on a fêté hier, et que le Christ nous redit dans l’Évangile d’aujourd’hui, la croix ne s’identifie pas avec la souffrance. Je le redis, parce que c’est important : la Croix, ce n’est pas la souffrance. La Croix, ce n’est pas du tout la souffrance.
Mais avec la réalité de l’amour de Dieu, qui s’incarne très fortement en la personne de Jésus-Christ, Dieu plonge dans nos souffrances humaines. Ainsi Dieu, en personne, Jésus, avec nous et en nous, et bien porte la souffrance humaine.
Sainte Thérèse d’Avila nous dit : « Certaines âmes n’embrassent pas la Croix, elles la traînent ; aussi, la Croix les blesse, les lasse et les tue. Au contraire, la Croix, lorsqu’elle est chérie, devient douce à porter : cela ne fait aucun doute. » (fin de la citation de Thérèse d’Avila)
Sainte Thérèse d’Avila dit bien : « certaines âmes n’embrassent pas la Croix » Elle ne dit pas : n’embrassent pas la souffrance. La différence est énorme. La Croix, ce n’est pas d’embrasser la souffrance. La souffrance ne peut être que destructrice. On ne peut pas embrasser, au nom de Dieu, quelque chose qui nous détruit. Ou bien alors, ce n’est pas le Dieu d’amour.
Par conséquent, accueillir la croix, c’est accueillir la présence divine de Jésus-Christ, dans nos vies marquées par la souffrance. C’est l’amour de Dieu qui nous sauve, pas la souffrance. Et ce n’est pas notre amour à nous qui nous sauve. C’est l’amour de Dieu dans nos vies, à nous, qui nous sauve, ce n’est pas pareil ça non plus. Au contraire, Dieu, lui, vient nous libérer de la souffrance et de la mort, par sa résurrection justement qui est le triomphe de l’amour, sur toutes les forces du mal.
Donc embrasser la Croix, c’est embrasser l’amour de Dieu, au cœur-même de la souffrance que je suis en train de vivre. Mais j’embrasse l’amour de Dieu, présent dans ma vie, au cœur-même de ce que je souffre. Et je m’accroche à cet amour de Dieu, pour traverser cette souffrance et cette mort. C’est ça la Croix. Et cet amour, c’est un amour divin. Nous ne chercherons pas intellectuellement à le capter, ça ne marche pas. C’est divin. Ça nous échappe. Il faut l’accueillir.
Alors, on peut mieux comprendre la parole de Jésus :« Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »Tout le monde veut sauver sa vie, mais Jésus nous invite à la perdre : que peut-il vouloir nous dire ?
Je reprendrais une autre parole du Christ pour balbutier une réponse. Jésus dit : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » Jésus semble dire : si vous voulez sauver votre vie sans moi, vous allez la perdre, pour toujours. Au contraire, si vous quittez votre vision trop humaine, comme il le dit à Pierre dans l’Évangile d’aujourd’hui : « arrière de moi, Satan tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Si nous quittons cette vision trop humaine, nous serons sauvés et cela grâce à notre foi en Jésus et en son Évangile.
Je termine par ces trois ‘moi’ qui sont en nous. Le premier ‘moi’ en nous, il veut se réaliser. Celui-là, il ne faut jamais le lâcher : Dieu veut qu’on se réalise. Dieu veut que nous ayons la vie en abondance. Donc, ce ‘moi’-là en nous, il ne faut jamais le lâcher, jamais. Ce n’est pas cela que Jésus nous demande perdre. Ça, il faut le garder.
Par contre, le deuxième ‘moi’, c’est les moyens que je vais prendre pour réussir ma vie. Là, Jésus nous dit : faites très attention, vous allez probablement prendre des moyens humains pour sauver votre vie. Et là, ce n’est pas garanti du tout. C’est ce qu’il nous dit.
Le troisième ‘moi’, c’est mettre sa foi en Jésus. « Je suis la Vie, je suis la résurrection, je suis la lumière. » A nous de choisir si on veut construire sa vie tout seul, sans Jésus, ou la construire sur le mystère de la Croix, c’est-à-dire sur l’adhésion pleine à Jésus et à sa Parole et à ses sacrements. C’est dans les sacrements que le Christ se livre. C’est pour ça que c’est inouï ce qu’on est en train de vivre.
Alors, je termine avec cette parole, en ce jour de Notre Dame des douleurs, nous pouvons réentendre le conseil que Marie nous donne dans l’Évangile : « Faites tout ce que vous dira Mon Fils ! »