25ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)
20 septembre 2020
- Frère Omer COULIBALY
Introduction : Frères et Sœurs, nous sommes réunis en ce 25ème Dimanche du Temps Ordinaire pour célébrer le Seigneur. Le Seigneur nous convoque pour nous montrer, pour nous manifester sa tendresse et son amour.
Au début de cette célébration eucharistique reconnaissons-nous pécheurs et implorons sa miséricorde.
Homélie : Frères et Sœurs bien-aimés, je commence à perdre un peu l’habitude de la célébration dominicale en communauté, donc j’ai demandé aux Frères où est-ce que je devais me mettre pour faire l’homélie. Heureusement qu’il y a des Frères qui sont très gentils et qui m’ont dit : « C’est ici », Donc je suis là.
Nous avons écouté cet évangile où Jésus-Christ nous fait, nous propose une parabole. En fait, il nous invite à avoir, à percevoir trois points de vue face à une même réalité. Nous allons poursuivre, nous allons parcourir ces trois réalités, ces trois regards par rapport à cette même réalité bien sûr en lien avec la première et la deuxième lecture.
Dans l’évangile, on nous parle d’un maître de domaine, et on nous parle des ouvriers, et on nous parle aussi d’un intendant. Donc nous allons peut-être nous mettre sous le regard des ouvriers. On nous présente un certain nombre de catégories d’ouvriers, ceux qui sont venus dès le matin, dès 5 h du matin, après 9h et ainsi de suite dans la journée. Et ceux qui ont commencé à travailler en premier pensaient recevoir davantage et ils se sont rendus compte qu’ils ont reçu la même pièce de denier que les autres, ils ont été un peu frustrés, en fait c’est normal.
Quand on pose la question aux enfants, quand je fais cette lecture avec les enfants, je leur pose la question : « Qu’est-ce que vous en pensez ? » La première réaction qu’ils ont eu : « C’est injuste, ils ont beaucoup travaillé, et puis, ils reçoivent le même salaire que les autres, c’est pas juste. » Je leur dis : « Bien, effectivement vu comme ça, c’est vrai. Mais si on essaye d’aller un peu plus loin : peut-être que ce maître du domaine n’est pas aussi injuste que cela ». Alors je leur ai posé la question : « Mais qu’est-ce qui vous dit que c’est injuste ? » Ils commencent à dire : « Ben oui, il a travaillé plus, et puis, les autres peut-être ils n’avaient pas voulu travailler, et puis ils sont venus vers 9 h, ils ont trouvé tous les arguments possibles ».
Je leur ai dit : « Mais, si je me mets à regarder moi, de mon côté, et à rechercher à avoir beaucoup d’argent, c’est ça, ils me disent : « oui, oui, oui, avoir beaucoup d’argent ». J’ai dit : « Bien, est-ce que c’est le point de vue du maître du domaine, est-ce qu’il veut vous enrichir tous ? » Là, pas de réponse. Je leur dis : « Ecoutez, vous savez : dans la société dans laquelle nous sommes, on est habitué à travailler pour avoir beaucoup d’argent, pour avoir du fric, beaucoup de fric, et quand on a beaucoup de fric, ben, on est meilleur. Est-ce que vraiment quand on a beaucoup d’argent, on est vraiment très heureux ? ». Il y a certains qui disent : « Ben, oui », d’autres qui disent : « Pas forcément » ah ! Donc il y a d’autres dimensions de la vie qui font que : on peut être heureux autrement, et l’argent ne fait pas forcément le bonheur, notre bonheur total.
Donc si nous avons le regard de ces ouvriers qui regardaient d’un mauvais œil le geste du maître du domaine, peut-être que nous sommes encore dans cette attitude où le matériel a beaucoup plus d’importance que la relation avec Dieu et avec son prochain. Voilà ce que je leur ai dit, en ce qui concerne ces ouvriers : L’argent n’est pas le plus important.
Si nous nous mettons à regarder du côté du maître du domaine. Lorsqu’il rencontre les premiers, il leur dit « Bien, vous allez aller à ma vigne et on va s’entendre, on va se mettre d’accord sur un prix, sur un salaire ». En fait, ce maître du domaine exerce la justice dans ses quatre niveaux, ses quatre dimensions.
Il y a la justice stricte qu’on appelle aussi la justice commutative, c’est-à-dire celle qui consiste à donner à chacun ce qui lui est dû en fonction du service rendu, ça va ? Jusque là, est-ce que ça va ? Bien, répondez, est-ce que ça va ? C’est-à-dire, je sors de la messe, et puis je passe à la boulangerie pour prendre du pain, ben, quand le boulanger me donne le pain, je lui donne ce qui lui est dû, et c’est normal, ça ça va. Donc, le maître du domaine, il n’a pas été injuste envers les ouvriers.
Ceux qui arrivent pour 9h, et je ne sais pas moi ,15h, 16h et 17 h, il dit ceci : « Allez à ma vigne et je vais vous donner ce qui est juste », il ne dit pas je vais vous donner un denier, il ne dit pas : je vais vous un quart de denier, je vais vous donner ce qui est juste. Ça c’est le quatrième niveau.
Donc, dans la justice il y a aussi la justice distributive. Cette justice distributive, il s’agit de quoi ? On a un bien commun, commun à notre pays, à notre société, au monde, voilà, la nature c’est notre bien commun aussi. Cela consiste à donner à chacun en fonction de sa situation, et en fonction de la caractéristique particulière dans laquelle il est. Par exemple, le Frère Jean-Michel a besoin de plus de gamelles pour faire sa cuisine, et le Frère Omer il a peut-être besoin juste de 20 euros pour mettre du carburant dans sa voiture pour aller en pastorale. Le Frère Christian qui est économe, il s’est dit : pour les gamelles du Frère Jean-Michel peut-être qu’il a besoin de 500, 700, 1000 euros, je n’en sais rien, et le Frère Omer a besoin simplement de 20 euros, donc il donne à chacun ce dont il a besoin, en fonction de la situation particulière dans laquelle il est. Ça va ? Est-ce que ça va ? Bon, très bien.
La troisième, c’est celle qu’on appelle la justice sociale. C’est à dire quoi ? Là, c’est un gros problème, j’espère que je ne vais pas recevoir des tomates de votre part. Normalement, la société se charge de gérer son bien particulier dans la société pour chacun des membres de cette communauté sociale. Il donne, il distribue le bien aux associations, et aux personnes en fonction de ce dont ils ont besoin selon leur nature et leur valeur. C’est un peu compliqué, je vais vous expliquer avec des exemples, c’est pas grave.
Il arrive que dans la société, il y a des personnes qui ont des moyens plus que d’autres. Voilà que, en société, on s’est dit : Bon, on va essayer de créer une caisse commune, et dans cette caisse commune, ceux qui travaillent, ils auront ce qu’il faut pour vivre, pas de souci ; mais on va retirer un tout petit peu de ce qu’ils ont pour donner à ceux qui ont moins de moyens afin que, eux aussi, ils puissent retrouver une forme de dignité. Ah, ça change la vie. Puisqu’on n’est pas seul dans la société, si on se croit seul dans la société, c’est la catastrophe, on a besoin les uns des autres. Si je me dis, je n’ai pas besoin de ceux qui travaillent, par exemple, dans les raffineries pour faire du pétrole, ben, quand je vais prendre ma voiture, je vais mettre quoi dedans ? Dites-moi ! J’ai besoin d’eux, on a besoin les uns des autres. La justice sociale, je vous explique de manière très raccourcie. Ça va ?
Et la dernière, on ne la trouve pas en société, on doit la trouver normalement en Église, c’est la justice de charité. Cette justice va au-delà de toutes les trois autres justices que l’on vient d’énumérer tout à l’heure. Elle tire son origine de Dieu Lui-même, qui donne à l’homme, à sa créature, en abondance, surabondance, avec grâce, miséricorde et tendresse. Et cette justice, nous avons à nous habituer à cette justice de Dieu de charité, et à l’exercer aussi à l’égard de nos Frères et Sœurs en humanité. Du coup, cela change notre regard et notre attitude vis-à-vis du prochain. Et cette justice de charité, ce maître du domaine, -peut-être qu’il s’agit de Dieu ?- ce n’est pas autre chose que le prophète Isaïe nous dit dans la première lecture, en nous disant : « Mais si tu commets le mal, si tu reviens vers Dieu, il te pardonne tous tes péchés ». Il va jusqu’à dire : « Nos pensées ne sont pas les pensées de Dieu, aussi loin que la terre est du ciel, aussi loin les pensées et les chemins du Seigneur sont loin de nos pensées et de nos chemins ». Ce maître du domaine, sûrement que c’est Dieu, j’en suis sûr.
Le troisième regard que nous pouvons avoir, c’est celui de l’intendant. Lui, il est fidèle à son maître et il fait ce que son maître lui demande. Il ne dit pas : Bien oui, comme je suis l’intendant, j’ai aussi ma liberté, donc comme il m’a donné les pleins pouvoirs, je vais exercer aussi cette liberté, je vais donner à ceux qui sont venus en dernier moins que ceux qui sont venus en premier. Non, il agit en bon serviteur. Et moi, je vais l’identifier à Saint Paul dans la deuxième lecture.
Saint Paul, il est en prison, et il reçoit beaucoup de cadeaux, de dons, de la part des Philippiens. Quand il est en prison, il se disait quoi ? Il dit : Moi, j’ai rempli ma mission, je n’ai qu’une chose c’est de mourir pour aller voir Jésus-Christ. Et voilà que les dons arrivaient, mais il s’est dit : Ah ben, peut-être que ces Philippiens ils ont besoin encore de moi, donc il était un peu dans une forme de combat où il se disait : Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que c’est bien de désirer être vivant pour être avec les Philippiens ou c’est bien de mourir pour être avec Jésus-Christ ? Et finalement, il s’est dit : Vivre ou mourir, peu m’importe, le plus important c’est d’être profondément attaché à mon maître qui est Jésus-Christ. Peut-être que certains d’entre nous sont appelés à être des intendants du Christ au milieu de leurs frères et peut-être que Saint Paul est un modèle pour nous aussi.
Alors, allant de cette réalité, on a vu ce triple regard, de quoi s’agit-il ? Le salaire, c’est quoi ici ? Un denier, c’est quoi ici ? Cette justice, c’est quoi ici ? Je me dis peut-être que : un denier, c’est la dignité que Dieu donne à tous les hommes, et nous avons cette dignité à part égale, personne n’a plus que l’autre. Si nous voulons accroître cette dignité, nous avons à entrer dans l’amour de la justice qui va nous conduire à exercer la justice dans ces quatre formes que nous venons de voir. Du coup nous ne serons plus les derniers, mais nous serons les premiers puisque nous avons mené le bon combat, le combat de la vie éternelle que Jésus-Christ nous donne.
Demandons au Seigneur d’élargir notre cœur, d’élargir notre charité à la dimension de la charité de Dieu. Amen.