32e Dimanche du Temps Ordinaire B 10 novembre 2024
10 novembre 2024
- Mgr Jean-Louis Papin, évêque émérite de Nancy
Accueil :
« Que ma prière parvienne jusqu’à toi, ouvre ton oreille à ma plainte, Seigneur. »
Préparons-nous à célébrer le mystère de l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.
Homélie :
Frères et sœurs, les veuves, ce dimanche, sont à l’honneur. Attardons-nous un peu dans les lectures que nous venons d’entendre. C’est d’abord la première lecture, tirée du premier Livre des Rois. On est à l’époque du roi Acab. Ce roi avait épousé une païenne Jézabel, Jézabel qui s’employait à développer les cultes païens de son pays, scandale intolérable pour les fidèles du Dieu d’Israël ! N’a-t-il pas dit : « Tu n’auras pas chez toi d’autre Dieu que moi. »
Le prophète Élie ne pouvait donc que s’opposer vigoureusement à la reine Jézabel, laquelle cherchait à le faire taire par tous les moyens, y compris en attentant à sa vie. C’est pour échapper à la mort que, sur les conseils de Dieu, Élie s’enfuit d’Israël, vers une région où il se trouva confronté à une grande sécheresse, à une grande famine. C’est alors que le Seigneur lui dit : « Lève-toi, vas à Sarepta, au pays de Sidon. J’ai ordonné là-bas à une femme, une veuve, de te ravitailler. »
Ce qu’il fit. Arrivé aux abords de la ville, Élie rencontra effectivement une veuve qui ramassait du bois pour faire un feu, cuire les quelques aliments dont elle disposait, afin elle et son fils de prendre un dernier repas avant de mourir. Or c’est à cette femme qui n’a pratiquement plus rien, qu’Élie demande de l’eau et du pain. Le grand prophète est devenu un mendiant. Et le comble de la situation c’est qu’il mendie non pas auprès de ceux qui vivaient encore bien, mais auprès de cette pauvre veuve qui se trouve dans la plus extrême précarité.
Cette femme aurait pu refuser de répondre positivement à la demande d’Élie. On aurait compris sa réaction. Mais non, elle alla faire ce qu’Élie lui avait demandé. On connait quelle fut la grande fécondité de ce généreux geste de partage, fait avec presque rien. La jarre de farine ne s’épuisa pas et le vase d’huile ne se vida pas.
Quant à Saint Marc, il nous relate cette scène, où l’on voit Jésus qui, une fois de plus, s’en prend aux scribes. Non seulement ils sont entièrement dans les apparences, aimant se montrer richement vêtus, cherchant à attirer les regards, les places d’honneur, mais ce qui aux yeux de Jésus est le plus grave, c’est qu’ils dévorent les biens des veuves, tout en s’adonnant en public à de longues prières.
Quelle incohérence ! En effet, comment peut-on manifester qu’on est en profonde communion avec Dieu, et dans le même temps exploiter des veuves qui, avec les orphelins et les étrangers, sont parmi ceux dont toute la Loi et tous les prophètes exhortaient à prendre soin. Agir ainsi, c’était être dans l’hypocrisie et le mensonge.
C’est alors que se présente à Jésus l’occasion de dire à ses disciples ce qui compte vraiment aux yeux de Dieu : non pas les apparences clinquantes que donnent à voir les riches qui font savoir à tous l’importance des sommes d’argent qu’ils déposent dans le trésor du Temple, mais le don discret d’une veuve pauvre, qui dépose deux petites pièces de monnaie, deux petites pièces qui ne font pas de bruit lorsqu’elles tombent dans le tronc. Ce qui émerveille Jésus, et lui fait donner cette femme en exemple à ses disciples. Ce n’est pas qu’elle ait donné deux petites pièces. C’est que, faisant cela, elle a pris sur son indigence. Autrement dit, elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre. Elle s’est donnée, comme l’avait fait la veuve de Sarepta, alors que les riches ne donnaient que de leur superflu.
Comme il est dit dans le premier Livre de Samuel : « Dieu ne regarde pas comme les hommes, les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. »
Ce don total de soi, c’est ce que Jésus a réalisé de façon parfaite. Il est significatif que Saint Marc ait situé cette scène de la veuve pauvre, peu avant que Jésus n’entre dans sa Passion. On peut y voir comme une annonce de ce que Jésus va vivre, à savoir que sa mission ne consiste pas seulement à donner un peu de lui-même avec générosité, à donner de son temps, de son écoute, de son attention aux personnes rencontrées, mais à se donner sans réserve, à donner tout ce qu’il a, à donner sa vie.
C’est bien ce que nous disait la deuxième lecture tirée de la lettre aux Hébreux : « Pour nous délivrer du péché et de la mort éternelle, Jésus n’a pas offert un quelconque sacrifice comme le grand prêtre le faisait, il s’est offert lui-même en toute confiance en son Père. »
Sa résurrection atteste que là est le chemin de la vie : pas seulement donner, mais nous donner, en quelque sorte nous perdre, en nous en remettant en toute confiance à Dieu. C’est la leçon, frères et sœurs, que nous donnent les deux veuves pauvres de ce dimanche. Et c’est le chemin que Jésus nous invite à prendre. C’est ce que nous sommes invités à vivre chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, faire de notre vie une vie donnée, une vie livrée, à l’instar de ce que fit Jésus : « Qui aime sa vie la perd, nous dit-il, qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. »
AMEN