3e DIMANCHE DE PÂQUES (B)
18 avril 2021
- Frère Marie-Jean BONNET
Introduction : Bienvenue aux cheftaines qui viennent se former pendant cette semaine. Bienvenue aux personnes en formation ce week-end.
Nous venons de chanter : « Christ avec nous, tu chasses notre nuit. Voici le jour plus fort que les ténèbres ». Oui, heureux sommes-nous d’avoir entendu cet appel du Christ à nous rassembler, à venir se laisser toucher par sa présence de Ressuscité. Il vient nous apporter sa vie, sa puissance de vie, sa puissance de résurrection qui vient chasser aussi nos ombres, nos ténèbres. Demandons cette grâce justement d’accueillir cette lumière qu’il vient nous donner et cette vie qu’il vient vivifier, fortifier en nous.
Reconnaissons ces ténèbres du péché qui nous habitent, qui nous agrippent. Demandons son pardon et sa libération.
Homélie : Je ne sais pas si vous avez pratiqué beaucoup le train en région de montagnes. J’ai plein de souvenirs d’enfance, et l’image m’est venue à l’instant. Parfois, voyez, il faut bien des sueurs, des transpirations pour trouver une image, et puis, elle vient au dernier moment.
J’ai plein de beaux souvenirs d’enfance où mon père travaillait au chemin de fer, on pratiquait beaucoup le train, notamment en région de montagnes et j’aimais beaucoup cette alternance, entre, quand on est en montagne comme vous le devinez, le train passe son temps à passer des tunnels et puis tout d’un coup on retrouve la lumière, et on voit des paysages magnifiques, et puis de nouveau c’est la nuit, c’est le tunnel. Alors parfois il y a des longs tunnels, je me souviens d’un très long tunnel qui durait 20 mn, alors là ça semble très très long, on a peur.
Et il me semble que cette image où cette alternance dans ces tunnels, et puis tout d’un coup un éblouissement de lumière et de beauté, eh bien, c’est un petit peu la leçon, je crois, que nous donnent ces apparitions du Ressuscité que nous entendons dans ce temps de Pâques. Ce qui est frappant dans ces jours qui suivent la Résurrection de Jésus c’est cette alternance, oui, d’apparitions et de disparitions du Ressuscité.
Parfois, il est déjà là, mais on ne le reconnaît pas ou on n’ose pas y croire, comme dans l’évangile de ce jour, c’est trop beau pour être vrai. Et puis une parole, comme à Madeleine par exemple, « Marie, Marie » ; ou un geste familier comme à Emmaüs et puis les yeux s’ouvrent et les disciples le reconnaissent.
Alternance d’apparitions et de disparitions, sans doute pour habituer ses disciples à un nouveau mode de sa présence. Oui, il est bien vivant, d’une vie bien humaine avec son corps palpable comme il y invite les apôtres : « Touchez, touchez-moi ». Ils s’en souviennent de ces paroles. Avec un corps bien palpable et même toujours capable de manger, mais en même temps il est vivant dans une condition nouvelle qui dépasse notre compréhension, bien sûr.
Cette pédagogie de Jésus à l’égard de ses disciples a sans doute quelque chose à nous dire à nous aussi aujourd’hui. Notre expérience de la présence du Ressuscité dans nos vies n’est-elle pas aussi une succession de lumières et d’ombres ?
Parfois cette présence nous semble presque évidente par les événements, l’enchaînement des événements, les signes que nous avons demandés ou pas, et que nous percevons, des clins d’yeux, comme on dit, et surtout cette présence nous semble parfois, j’allais dire, « palpable » entre guillemets, par la paix. La paix c’est bien le cadeau pascal de Jésus à ses amis : « La paix soit avec vous », et comme je l’ai rappelé aussi il y a peu, non seulement Jésus l’apporte, l’offre effectivement d’une manière par excellence après sa résurrection, bien sûr, mais déjà il l’avait annoncée en entrant dans sa Passion : « Je vous laisse ma paix ».
Oui, la paix, la joie profonde, intérieure, et puis cet élan d’amour pour Dieu et pour le prochain qui nous habitent, et, voilà, tout cela sont des signes de cette présence de Dieu qui nous semblent encore une fois presque palpables, qui sont des fruits, la paix, la joie, vous vous souvenez ces paroles de Saint Paul, la paix, la joie, l’amour et bien d’autres choses sont les fruits de l’Esprit-Saint, nous dit Saint Paul, des signatures de sa présence.
Mais parfois aussi nous le savons, cette présence du Ressuscité dans nos vies semble se voiler, s’obscurcir, la peur, la peur, voilà, par rapport à ce que nous avons à vivre, par rapport au lendemain. Les « pourquoi », peut-être, même parfois les doutes, la lassitude nous gagne, et tout cela s’assombrit, assombrit notre cœur ; et cette présence du Ressuscité, eh bien, voilà, se fait moins perceptible. Peut-être que parfois nous sommes tentés de nous dire mais où est-il ce Ressuscité qui nous dit être avec nous tous les jours ?
Cette alternance d’ombres et de lumières dans notre chemin de foi ne doit pas nous surprendre et nous déstabiliser. Les périodes d’ombre sont peut-être dues à notre paresse spirituelle, le relâchement dans la prière, dans la vie sacramentelle, notamment dans la confession qui vient remettre la lumière dans notre cœur. C’est une résurrection la confession, je ne sais pas si vous avez remarqué, et quand on fait une bonne confession, ah ! tout d’un coup, comme par hasard, on sent un élan, j’allais dire, oui, un élan, un élan intérieur pour aimer, pour reprendre, pour re-choisir d’aimer. Résurrection que la confession !
Alors peut-être y-a-t-il du relâchement dans la prière, la vie sacramentelle ou la charité, bien entendu, parce si on ne répond pas aux appels à la charité, eh bien, notre cœur va se refroidir, s’assombrir. Donc, cette paresse spirituelle nous invite à un regard de vérité sur nous-mêmes, nous appelle alors à la conversion. Alors il y a des chances que reviennent la lumière et la paix.
Et j’aime citer cette réflexion du Père Jacques Philippe dans ce petit ouvrage, comme je vous recommande tout-à-fait ses petits ouvrages qui sont merveilleux, ici c’est « A l’école de l’Esprit-Saint ». « Chaque fidélité à la grâce -dit-il- attire des grâces nouvelles, toujours plus abondantes. Si nous sommes attentifs à obéir aux motions de l’Esprit, celles-ci se feront plus abondantes. Si nous sommes négligents, elles risquent au contraire de se raréfier : « A qui a, -dit Jésus-, il sera donné ; à qui n’a pas, sera retiré même ce qu’il a. » (Luc 19,26) ». Voilà, importance effectivement de cette fidélité aux motions de l’Esprit-Saint, à cette fidélité à la vie spirituelle, dit dans l’Esprit, dit sous la conduite de l’Esprit.
Mais peut-être aussi que ces périodes d’ombres ne sont pas la conséquence d’un relâchement spirituel. Le Seigneur peut les permettre aussi pour notre éducation spirituelle, pour notre progrès spirituel. Alors il faut nous rappeler qu’à travers ces différents états intérieurs d’élan ou de peine, le Seigneur, lui, travaille toujours, il nous aide à en tirer des fruits positifs, pour autant, encore une fois, que nous ne relâchons pas notre relation à lui.
Cependant, puisque je le rappelais, le Seigneur nous souhaite, nous veut, c’est-à-dire nous souhaite, c’est-à-dire nous veut dans la paix fondamentalement et habituellement. Encore une fois, c’est la signature de la présence de l’Esprit-Saint en nous. Donc le Seigneur nous veut, de manière voilà plus habituelle, dans la paix, et la joie et l’amour, et l’élan.
Quels sont alors les « outils » qu’il nous offre pour traverser ces périodes d’obscurité et de peine et retrouver cette paix ? Eh bien, effectivement, les apparitions du Ressuscité nous donnent déjà deux pistes :
Et d’abord la rencontre d’Emmaüs, première piste, premier outil pour retrouver la paix, faire mémoire des rencontres lumineuses avec le Seigneur. Quand Jésus disparaît aux yeux des disciples d’Emmaüs avec qui il vient de rompre le pain, eh bien, ils ne sont pas tristes parce que, tout d’un coup, ils se rappellent, eh oui, « c’est bien lui, notre cœur était brûlant, -oui-, quand il nous expliquait les Ecritures ». Ils font mémoire de ces grâces reçues tout au long de la route.
Et c’est ainsi que nous aussi lorsque nous traversons ces périodes d’obscurité en faisant mémoire des grâces antérieures et nombreuses reçues depuis, eh bien depuis notre enfance sans doute, enfin certainement même, en faisant mémoire de tous ces cadeaux de Dieu et des périodes, justement, où sa présence a été plus, entre guillemets, « évidente », plus proche, eh bien, voilà, cela nous permet de nous appuyer dessus, nous dire tout n’est pas fini. Souviens-toi : tu as traversé aussi déjà pas mal de tunnels, d’ombre, tu en es sorti, voilà, c’est une période d’obscurité mais tu en sortiras, ne lâche pas le Seigneur.
Deuxième outil, eh bien, ce que l’évangile d’aujourd’hui nous suggère : nous connecter à la Parole de Dieu en demandant à l’Esprit-Saint l’intelligence de cette Parole de Dieu. C’est ce que Jésus fait avec les apôtres quand il dit : attendez, c’était écrit tout ça, rappelez-vous tout ce que je vous ai dit, ne soyez pas comme tétanisé, non, c’était bien ce qui devait arriver.
Et nous aussi, en nous nous nourrissant souvent de la Parole de Dieu, c’est elle, et en demandant à l’Esprit-Saint pour effectivement entrer à l’intérieur, c’est ça que veut dire l’intelligence de l’Écriture, la comprendre vraiment, profondément, à l’intérieur. Ne pas glisser sur la Parole de Dieu, la lire à toute vitesse, non, la laisser entrer en nous et entrer en elle, c’est plus ça d’ailleurs la laisser entrer en nous, oui. Eh bien, à ce moment là, voilà, nous sommes sur le chemin, puisque c’est la pédagogie de Jésus, le chemin pour retrouver lumière et paix par cette Parole de Dieu.
Et puis, il ne suffit pas de se nourrir de cette Parole de Dieu, il faut, comme dit Jésus bien souvent dans l’évangile, la mettre en pratique. Voilà, ce n’est pas ceux qui me disent des belles prières qui entreront dans le royaume, mais ceux qui font la volonté du Père qui m’a envoyé. Il s’agit de la mettre en pratique, garder cette Parole et c’est ce que nous dit l’apôtre Jean dans la deuxième lecture que nous avons entendue aujourd’hui : « Comment pouvons-nous savoir que nous connaissons Jésus-Christ ? En gardant ses commandements ».
Alors, il faut préciser qu’il y a deux types de connaissance de Dieu, oh, ça été dit ici sans doute bien des fois et j’aime à le rappeler. Il y a une connaissance de Dieu qui, je dirai, est intellectuelle, théorique, savoir des choses sur lui. Ce savoir de tête risque de contenter notre curiosité sans pour autant nous unir vraiment à Dieu ; connaissance aussi qu’on peut nourrir d’ailleurs par toutes sortes de lectures même spirituelles mais qui peuvent rester sur le plan de la curiosité.
Et il y a une autre connaissance de Dieu, une connaissance d’intimité, de cœur, de connivence, voilà, qui naît précisément de la mise en pratique de cette Parole, des commandements, des Paroles de Jésus, pas seulement en priant, encore une fois, et en faisant de belles méditations pleines de magnifiques pensées et de chauds sentiments, mais non, et je cite le Père Sève, là : « Regarde comment tu vis ». Si Dieu n’est pas « en nous », nous perdons notre communion d’union et Dieu s’éloigne.
Il y a cette…, voilà, cette connaissance par, j’allais dire un gros mot, par co-naturalité, c’est-à-dire on est de même nature que Dieu dans la mesure où on s’ouvre à lui, on le laisse entrer dans notre cœur, oui, que ça ne reste pas cérébral, mais que notre cœur, c’est-à-dire notre volonté profonde de faire sa volonté, de nous unir à lui, s’ouvre à lui, alors il se fait connaître à notre cœur et ça nous remet dans la lumière.
Il est bien là, voilà, je fais l’expérience qu’il m’illumine, qu’il me fait comprendre, et qu’il me donne cet élan intérieur d’amour. Agis en fils de Dieu et, alors, tu retrouveras cette connaissance intérieure d’union : « en celui qui garde fidèlement sa parole, nous redit Saint Jean, l’amour de Dieu atteint sa perfection ». Et c’est dans la mesure où nous sommes de plus en plus habités par cet amour de Dieu que nous sommes aussi habités par une foi très forte.
Eh bien, demandons la grâce de, voilà, de savoir traverser nos tunnels. Quand on est dans un tunnel ferroviaire, si on est sur les rails, le train continue, il n’y a pas de problème, on est dans la confiance. Les rails, c’est que c’est Dieu. Si on suit le Seigneur, si on continue à suivre le Seigneur même dans l’obscurité, eh bien, on peut être dans la confiance. Demandons la grâce, voilà, de mettre en pratique tout cela. Amen.