6e DIMANCHE DE PÂQUES (B) 2024
5 mai 2024
- Frère Marie-Jean BONNET
Accueil :
Bienvenue aux confrères de notre Père Paul, des Missions Africaines de Lyon, son Provincial et le Supérieur de la maison de Rezé. Et bienvenue aussi au religieux qui est parmi nous, nous ferons connaissance tout à l’heure.
« A toutes les nations du monde le Seigneur a ouvert les portes de la foi », écrit Saint Luc, dans les Actes des apôtres. Il écrivait cela dans les tout début de cette expansion missionnaire. Combien plus nous pouvons le dire aujourd’hui. Alors demandons la grâce à l’Esprit Saint de savoir regarder, discerner son action, aussi aujourd’hui, toujours à l’œuvre pour que cette bonne nouvelle gagne, convertisse les cœurs et les oriente vers le Sauveur. En nous rappelant la grâce immense de notre Baptême, nous n’aurons jamais assez de mercis, assez d’actions de grâce, nous qui sommes si privilégiés d’être aujourd’hui rassemblés par le Seigneur. Oui, faisons mémoire de cette grâce immense du Baptême, par ce rite de la bénédiction de l’eau.
Homélie :
Je me répète sans doute, actualité de la Parole de Dieu, oui, et la Parole de Dieu est vivante et efficace, actuelle, éternelle. « Mes Paroles ne passeront pas », dit Jésus. Combien c’est vrai ! Actualité de cette Pentecôte, dans la maison de Corneille, dont Pierre et les disciples sont témoins.
Saint Paul est appelé, à juste titre, l’apôtre des nations. Mais il faut rendre justice aussi à Saint Pierre, comme nous y invite la première lecture de ce dimanche, Saint Pierre qui a devancé Paul en baptisant Corneille, un non Juif, et toute sa famille. Pour être très juste aussi, parce que j’avais un petit doute : savoir si Saint Pierre avait été le premier à baptiser. Et en fait les Actes des apôtres, alors voilà Saint Luc, comment a-t-il rédigé son livre, je ne sais. Mais enfin, il semble, d’après sa chronologie qu’il nous met dans les Actes des apôtres, que c’est Philippe, le diacre Philippe, qui a été le premier à baptiser des Samaritains, donc de ceux qui étaient considérés comme non Juifs par les autres.
En tous cas Pierre ici baptise un non Juif et toute sa famille. On ne réalise sans doute pas assez ce retournement radical qu’il a fallu vivre pour Pierre, pour entrer dans la maison d’un païen. Entrer déjà dans la maison d’un païen. Vous vous souvenez que les Juifs n’entraient pas dans le palais de Pilate pour ne pas se souiller. C’était strictement interdit à un Juif d’entrer dans la maison d’un païen. Imaginez ce que ça demandait à Pierre de faire ce pas, un païen et qui plus est un occupant romain, et le retournement que ça a demandé pour reconnaitre, en lui et ses proches, le don de l’Esprit-Saint, comme eux-mêmes les apôtres l’avaient reçu quelques temps auparavant.
Cette nouvelle Pentecôte n’est pas pour autant fortuite. Le Seigneur prépare le terrain, le Seigneur prépare les choses. Du côté du centurion romain, Saint Luc nous dit qu’il était pieux et craignant Dieu. Il faisait partie justement de ces païens qui s’étaient intéressés et qui cherchaient à connaitre la foi juive et à en vivre déjà autant que faire se pouvait. Il était pieux et craignant Dieu ainsi que toute sa maison. Il faisait de plus de larges aumônes au peuple juif, le cœur sur la main, un homme généreux, et priait Dieu sans cesse, voilà. Quelle ouverture déjà chez ce païen ! Corneille avait donc déjà fait tout un chemin spirituel d’ouverture à Dieu.
Quant à Pierre, il obéissait à l’injonction de l’Esprit-Saint, de partir avec les envoyés de Corneille. Et c’est au moment où Pierre catéchise cette famille de Corneille que « l’Esprit-Saint tombe sur eux » je crois, c’est le mot de Saint Luc, que l’Esprit-Saint se manifeste et se répand dans les cœurs. Donc il a fallu que Pierre lui aussi fasse tout un chemin intérieur pour accepter l’injonction de l’Esprit-Saint, et pour catéchiser cette famille.
Est-ce que l’Esprit-Saint ne serait plus à l’œuvre aujourd’hui, pour ces multitudes d’hommes et de femmes qui ne le connaissent pas encore ? Non, l’Esprit-Saint « ne sommeille pas », comme dit l’Écriture, Dieu « ne dort pas, ne sommeille pas ». Il est le gardien d’Israël, le gardien de l’Église, le gardien de tous les hommes. Non, il ne sommeille pas.
Les Baptêmes d’adultes, vous le savez, vous l’avez lu comme moi sans doute, c’est une bonne nouvelle et c’est important de se nourrir de bonnes nouvelles. Les Baptêmes d’adultes et d’adolescents en constante hausse, 12 000 en France cette année, peuvent surprendre dans une société qui fait tout pour contrer les valeurs chrétiennes. Je ne vous apprends rien. Un Baptême sur dix en France concerne une personne issue de l’Islam, bonne nouvelle ! Malgré toutes les difficultés et les risques sérieux que ces conversions comportent.
Et vous connaissez peut-être cette association courageuse, merveilleuse, qui s’appelle « Ismérie », du nom d’une princesse, une fille d’un sultan d’Égypte du XIIème siècle, je l’ai appris hier, qui donc s’est convertie à la foi chrétienne. Donc cette association « Ismérie » s’emploie depuis plusieurs années à soutenir et à aider ses frères et sœurs issus de l’Islam. Oui, sachons ouvrir les yeux, et demandons la grâce à l’Esprit Saint de nous les ouvrir pour savoir regarder, nous nourrir le cœur, nourrir notre espérance de tous ces signes de l’action de Dieu dans notre monde d’aujourd’hui. Ils seront plus forts que tout le vacarme du mensonge.
Actualité aussi de la Parole de Jésus : « Demeurez dans mon amour. » Cette recommandation du Seigneur, il la donne à ses disciples le soir du jeudi saint. Il sait que sa Passion et sa mort vont tous les ébranler profondément. Mais Pierre, en croisant le regard de Jésus, quelques heures après dans le palais du grand prêtre, y aura lu l’amour miséricordieux de son maître et y puisera la grâce du repentir.
Et les autres disciples, dispersés par la terreur, auront reçu, dans le pardon de Jésus au soir de Pâques, la libération de leurs peurs. Au point que, lorsque la persécution éclate, avec la lapidation d’Étienne : « Tous les disciples se dispersent hors de Jérusalem, nous dit Saint Luc, à l’exception des apôtres. » Donc ils ont été déjà transformés, par cet amour du Christ, cet amour reçu aussi bien sûr dans l’Esprit Saint, à la Pentecôte.
« Demeurez dans mon amour. » Et on pourrait dire qu’il y a comme un syllogisme de Jésus dans ce passage. Alors pour faire le condensé de ce qu’il nous dit, parce qu’il nous martèle les choses, vous l’avez remarqué : « Demeurez dans mon amour, en vous aimant les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Voilà la clé, « mon » commandement. Il parle d’abord de « mes » commandements. « Vous demeurerez dans mon amour si vous gardez mes commandements. » Et puis finalement « mes » commandements deviennent « mon » commandement. « Demeurez dans mon amour, en vous aimant les uns les autres, comme je vous ai aimés. »
Ce testament du Seigneur, Saint Jean l’a gravé dans son cœur, au point de le répéter sans cesse dans sa première lettre, vous le savez bien. Et de le répéter, sans doute parce que les premières communautés chrétiennes avaient besoin de le réentendre, parce que, comme on nous dit souvent, quand l’Église, dans sa parole officielle, dans les conciles en particulier, mais aussi justement les apôtres, quand ils répètent les choses, c’est parce que ceux à qui ils s’adressent ont besoin de les réentendre.
Et comme nous-mêmes avons, je suppose que nous avons, besoin aussi de nous redire sans cesse que c’est là « le » commandement, « le » commandement du Seigneur. Le Christ nous a libérés d’avoir une kyrielle de préceptes. Oui, comme dit Saint Augustin quelque part, je cite de mémoire : « Que la charité soit la racine de tous tes actes. Si tu parles, parles par amour, si tu te tais, tais-toi par amour. Si tu fais ceci fais-le par amour, si tu ne fais pas cela, ne le fais pas par amour. » L’amour, le commandement du Seigneur « aimez-vous, comme je vous ai aimés ».
Et donc le témoignage qui authentifie notre être chrétien : « à ceci », rien d’autre, « à ceci, tous reconnaitront que vous êtes mes disciples, dit Jésus, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres ».
« Demeurez dans mon amour. » S’il en est un qui a compris et vécu cela, c’est bien aussi Saint Paul qui s’exclame : « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous. »
Saint Paul, comme le dit un commentateur de l’Église, je ne sais plus lequel, dit que Saint Paul a toujours le Christ à la bouche et l’amour du Christ à la bouche. C’est un amoureux du Christ, violemment amoureux du Christ. « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous. »
Et je relisais hier, pour la citer, pourquoi pas, dans la revue de la communauté de Saint Martin, où ils rapportaient une homélie du Pape François en 2021. Et justement le Pape invitait à se demander : « Mais est-ce que nous nous laissons encore émouvoir par la Croix, par l’amour du Christ ? Saint François, disait-il, s’étonnait que ses frères de communauté soient si insensibles à cet amour fou du Christ. » Là encore l’amoureux, violemment amoureux du Christ, François.
Saint François s’étonnait mais oui, parce que les plus grandes choses, c’est-à-dire justement cet amour fou, insensé de Dieu pour nous, on s’y habitue. C’est terrible ! Donc il s’agit de se laisser réveiller justement par ces paroles de notre Pape et bien d’autres, de se dire mais après tout, est-ce que je ne m’habitue pas à cet amour insensé de Dieu, cet amour de notre Père ?
Au milieu des multiples épreuves qu’il traverse, Paul, et que connaissent aussi les premières communautés chrétiennes, il exhorte ainsi les Romains : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » Voilà sa consolation, sa force, la source de sa vigueur, de son élan, rien ne l’abat, Paul, quelle merveille ! « La tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive, il a connu tout ça. J’en ai la certitude, ni la mort, ni la vie, ni aucune créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus. »
Et bien des témoignages de nos frères chrétiens emprisonnés manifestent que c’est bien cette certitude de cet amour de Dieu toujours fidèle qui les accompagne en toutes circonstances. C’est là qu’ils puisent leurs forces, leur espérance, leur paix.
Dans notre monde où semble régner le mensonge, les divisions et la violence, où puiser l’espérance et la paix, sinon dans cet amour fidèle du Christ qui s’est révélé vainqueur de la haine et de la mort. Alors laissons résonner dans nos cœurs ces paroles que Jésus nous adresse : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »
AMEN