Jubilé SMR SMC, samedi 5 octobre 2024
5 octobre 2024
- Monseigneur Matthieu DUPONT, évêque de Laval
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[Sœur Geneviève]
Aujourd’hui, les Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur sont très heureuses de vous accueillir, famille, amis, paroissiens de Saint Pierre de Meslay, à la Cotellerie, au sein de la famille spirituelle de Mère Marie de la Croix, pour les Jubilés d’Or de Sœur Marie de la Compassion, la Vendéenne, et de Sœur Marie-Renée, l’Alsacienne. C’est avec une joie profonde que nous accueillons la grâce de la présence de notre évêque, Monseigneur Matthieu Dupont, qui présidera l’Eucharistie.
Cette fête nous porte à revenir aux fondements de nos vies à la suite du Christ, et à goûter la saveur évangélique de cet acte de mémoire qui n’a rien de triomphaliste. C’est humblement que chacune a reçu la grâce du don de Dieu, cette petite graine de vie et de liberté, tombée par surprise, un jour, en son cœur, tant à l’ouest vendéen qu’à l’est alsacien.
Après la lecture du Livre de Job, proposée par la liturgie de ce jour, chacune, en relisant ses cinquante ans de vie religieuse, peut confesser, comme Job : « Je sais que tu peux tout, et que nul projet pour toi n’est impossible. » Car on ne vit pas cinquante années de vie religieuse sans traverser l’épreuve. On le devine, il a fallu passer par ce consentement à vivre d’un amour très humble, réel et souvent blessé, par rapport à l’idéal de nos vingt ans. Il a fallu se laisser surprendre par l’épreuve de nos propres résistances, ou par l’épreuve du corps apostolique, où nous avions prononcé nos premiers engagements. Alors, il a fallu se laisser conduire par la Parole de Dieu vers le silence intérieur, et recueillir, au jour le jour, la grâce des petits qui savent se réjouir de ce que leur nom est inscrit dans les Cieux, comme nous le redira l’Évangile du jour.
[Monseigneur Matthieu Dupont]
Très chère Sœur Marie-Renée, très chère Sœur Marie de la Compassion, je suis très heureux de pouvoir avec vous me réjouir pour ces cinquante années. Cinquante années de cet amour originel que vous avez pu éprouver envers le Seigneur, de cet amour qui a trouvé comme un écrin dans l’attitude en laquelle vous vous êtes engagées, de cet amour qui, peu à peu, a pris la patine et la beauté de l’âge, de cet amour qui aujourd’hui nous réunit aussi autour de vous, non pas pour vous mettre sur un piédestal, mais pour pouvoir recueillir avec vous la proximité de Dieu, la grande fidélité de Dieu, quelles que soient nos histoires et nos épreuves.
Alors, très chers frères et sœurs, que nous puissions ensemble, humblement, simplement, nous aussi, nous mettre sous le regard amoureux de Dieu. Si nous sommes ici présents, c’est par l’amitié, par la proximité, mais aussi certainement par la foi. Quelle que soit notre foi, quel que soit le lien qui nous unisse à Dieu, que nous puissions goûter la joie de sa présence au cours de cette Eucharistie.
HOMELIE : [Monseigneur Matthieu Dupont]
« Oui Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. » Dans ce cours passage d’Évangile que nous avons entendu, les soixante disciples reviennent de la mission qui, semble-t-il, a été bonne, efficace, et Jésus les invite à déplacer leur regard d’eux-mêmes à la bienveillance de Dieu.
C’est peut-être dans ce regard de la bienveillance de Dieu que j’aimerais simplement ce matin, tout d’abord nous réjouir, puis ensuite contempler cette bienveillance divine, pour enfin reconnaitre la fidélité de Dieu, se réjouir de la bienveillance divine et de la fidélité de Dieu en ce jubilé, mes chères Sœurs. Se réjouir, nous l’avons entendu, dans l’Évangile, Jésus indique à ceux qui sont partis en mission, qu’ils sont appelés d’abord à se réjouir, car « leurs noms se trouvent inscrits dans les Cieux ».
Notre ancre est dans les Cieux. Cinquante ans de vie religieuse ont pu certainement vous permettre de pouvoir mesurer l’importance d’ancrer notre vie dans les Cieux, car en effet notre espérance est dans les Cieux. Il nous faut repartir sans cesse des Cieux. Non pas pour quitter la terre, mais pour pouvoir être bien accrochés là où est notre espérance, et pour nous réjouir. Et cette joie personne ne pourra nous l’enlever. Nos noms sont inscrits dans les Cieux.
Depuis le jour de notre Baptême, Dieu nous appelle par notre prénom. Depuis le jour de notre Consécration, il nous accueille aussi par ce même prénom. Alors, il nous faut mettre notre joie dans cette espérance et non pas dans l’efficacité, fut-elle apostolique. Il nous faut, je crois, aujourd’hui, nous réjouir avec vous, mes Sœurs, de la tendresse de Dieu, cette tendresse qui, dans notre monde marqué parfois par la violence, la guerre, l’incompréhension, l’injustice, cette tendresse qui demeure.
Il me plait de citer le prophète Isaïe : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierais pas, car je t’ai gravé sur les paumes de mes mains, j’ai toujours tes remparts devant mes yeux. »
Ici, Dieu parle de Jérusalem, mais il parle aussi de chacun d’entre nous. Nous sommes gravés sur les paumes de Dieu qui nous tient, qui nous porte, et qui nous permet de vivre. Alors réjouissons-nous, ayons la simplicité de la joie, de savoir que nous sommes inscrits dans les Cieux, que nous sommes gravés sur les paumes des mains de Dieu.
Réjouissons-nous aussi de cette bienveillance divine. Si nous repartons de Dieu, si nous jetons notre ancre en Dieu, il nous faut repartir de lui pour considérer notre vie. Il ne s’agit pas d’évaluer, il ne s’agit pas de faire un bilan, il ne s’agit pas d’analyser. Il s’agit de porter sur notre vie le regard même de Dieu. Saint Luc nous le dit : « Oui Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance », en rapportant les mots de Jésus.
Quelle est cette bienveillance ? La bienveillance, c’est Dieu qui veut du bien pour nous. La bienveillance, c’est ce dessein de Dieu, ce projet de Dieu pour l’humanité, ce mystère de Dieu, c’est-à-dire ce que Dieu veut pour nous. De même Isaïe évoque cela en ces termes : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, vos chemins ne sont pas mes chemins – oracle du Seigneur. Autant le Ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées au-dessus de vos pensées. »
Qu’il est bon de savoir que nous n’avons pas tout à saisir, que nous ne pouvons pas tout saisir, que nous sommes appelés à cheminer avec Dieu dans la confiance. Cinquante ans de chemin, mes chères Sœurs, parfois chaotique, parfois heureux. Cinquante ans de chemin à pouvoir être comme portées par Dieu dans son projet pour vous, pour nous.
Bien sûr dans ce chemin, nous avons parfois été dépassés, nous n’avons parfois pu ne pas tout saisir. Ainsi Job lui-même nous dit dans la première lecture : « J’ai parlé sans les comprendre de merveilles hors de ma portée. » Nous ne comprenons pas tout, cela ne veut pas dire que tout n’est pas raisonnable, mais que parfois il y a un dépassement dans nos vies. Ce dépassement peut être heureux ou parfois douloureux, mais Dieu nous porte dans ce dépassement à travers les ravins de la mort.
Alors, si nous sommes invités à placer notre vie dans la bienveillance de Dieu, à pouvoir reconnaitre son projet, à reconnaitre que parfois, il nous dépasse, c’est fondamentalement, comme le dit Job, « pour nous émerveiller ». Nous émerveiller de ce que Dieu a réalisé dans nos vies, nous émerveiller, et j’en finirai par là, de la fidélité de Dieu.
Certes, mes Sœurs, au bout de cinquante ans, vous êtes au premier rang, mais je sais que vous n’êtes pas là pour que vous soyez sous les projecteurs. Et nous pouvons recevoir le témoignage de votre fidélité. Mais plus profondément, nous recevons le témoignage de la fidélité de Dieu, car en effet, comme nous l’avons chanté dans le psaume : « Seigneur, je le sais, tes décisions sont justes ; tu es fidèle quand tu m’éprouves. »
Cette fidélité de Dieu, elle nous est promise à tous. Elle nous est promise, car Dieu nous aime, et Dieu veut, quelle que soit notre histoire, quelle que soit l’histoire de l’Église, quelle que soit l’histoire de notre Communauté, être fidèle. Il nous faut sans cesse nous appuyer sur sa fidélité, pour que nous soyons nous-mêmes fidèles. Ne nous trompons pas, mais nous le savons très chers frères, très chères sœurs, très chers tous, que notre fidélité est fragile, et qu’elle a besoin sans cesse de se ressourcer à la fidélité de Dieu.
Le psaume 130 nous dit, intimement, l’attitude qui est certainement la vôtre aujourd’hui : « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais. » Ni cœur fier, ni regard ambitieux, mais tenir son âme égale et silencieuse. Mes Sœurs, c’est ce témoignage que vous nous offrez quand même.
Alors, pour chacun d’entre nous, tenons notre âme égale. Egale ne veut pas dire sans mouvement, mais tenons notre âme égale comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. Telle est notre joie qui ne pourra jamais nous être enlevée. Que nous puissions recueillir humblement, ce matin, le témoignage de nos deux sœurs, Marie de la Compassion, sœur Marie-Renée du Saint Sacrement, et nous-mêmes, entrer dans cette bienveillance de Dieu pour nous réjouir.
AMEN